Chronique d’expert : Quel régime juridique pour les produits de luxe du métavers ?

Véritable phénomène de société, les NFT (non fongible token ou jetons non fongibles) sont devenus un atout majeur pour les marques et notamment les maisons de luxe. C’est ainsi que depuis le début de l’année, des maisons telles que Dolce&Gabbana, Jacob & Co ou encore Hennessy ont mis en vente différents produits sous forme de NFT, notamment des montres et des collections de prêt-à-porter. Mais quel régime juridique faut-il leur appliquer ?

 

Les NFT sont devenus en peu de temps un outil de commercialisation de produits inédits mais également un outil marketing, les marques n’hésitant pas à agrémenter la vente de ces œuvres virtuelles avec d’autres avantages exclusifs, à l’instar de Jacob & Co qui offre la possibilité aux acquéreurs de montres NFT de les utiliser comme une carte de membre ou de Dolce&Gabbana qui a intégré dans ses collections virtuelles une invitation aux évènements couture de la marque pendant un an.

 

De nouveaux horizons ouverts par la loi

 

Preuve de l’engouement autour de cet actif, le législateur a récemment promulgué une loi permettant la vente aux enchères publiques de meubles incorporels (Loi n° 2022-267 du 28 février 2022 visant à moderniser la régulation du marché de l’art) et donc d’œuvres immatérielles.

 

C’est ainsi que la Maison Fauve a organisé le 10 mars dernier – concomitamment aux Assises juridiques de la mode, du luxe et du design qui organisaient une table ronde sur le sujet – la première vente aux enchères en France de 47 œuvres numériques. Les maisons de vente aux enchères peuvent ainsi désormais mettre en vente des œuvres numériques et faire preuve d’attractivité et de compétitivité dans ce secteur.

 

Pour rappel, les non fongible token sont des actifs numériques émis par une blockchain, à la manière des cryptomonnaies, mais les NFT ne sont ni duplicables ni interchangeables. En raison de leur fonctionnement par le biais de la blockchain, ils sont en principe inaltérables, infalsifiables et inviolables : une fois enregistrés sur la blockchain, ils ne peuvent être modifiés, de même que toutes les informations qui y sont insérées.

 

Le titulaire d’un NFT est alors titulaire d’un certificat de propriété sur une œuvre, certificat qui peut par la suite être revendu notamment par le biais de smart contract. Ici réside l’attrait des NFT : en raison de ses caractéristiques, celui-ci permet sa traçabilité et donc la traçabilité de l’œuvre sur laquelle il est apposé. Appliqué à des œuvres numériques, le NFT est placé sur une œuvre qui n’a, en principe, pas d’existence matérielle mais seulement virtuelle. Cette œuvre aura ainsi notamment vocation à être exploitée dans le métavers, monde virtuel en 3 dimensions dans lequel l’utilisateur pourra évoluer par le biais d’un avatar et interagir avec d’autres utilisateurs.

 

Plusieurs entreprises ont ainsi déjà anticipé cette évolution, à l’instar de Nike qui a notamment déposé à titre de marque sa célèbre virgule en classes 9, 35 et 41 aux États-Unis prévoyant une exploitation du signe pour des biens virtuels ou encore des services de fournitures de chaussures ou vêtements « destinés à être utilisés dans des environnements virtuels » . Les entreprises doivent donc porter une attention particulière à la protection de leurs droits de propriété intellectuelle et notamment industrielle au regard de leur développement numérique, pour ne négliger aucune exploitation de leurs signes, que ce soit dans le monde réel ou virtuel.

 

Les NFT : source de contentieux

 

Mais si les NFT attirent de plus en plus de titulaires de droits, ils attirent également les auteurs de faits litigieux et les premiers contentieux apparaissent. Car l’authenticité allouée à ces actifs ne concerne que les jetons en eux-mêmes et non l’œuvre sur laquelle ils sont apposés. Les NFT ne garantissent pas non plus que le créateur du jeton soit l’auteur de l’œuvre ou le créateur du produit sur lequel il est lié.

 

La Maison Hermès a ainsi récemment déposé une plainte devant le Tribunal de New York pour atteinte à son image de marque en raison de la commercialisation par l’artiste Mason Rothschild de « Metabirkins » , NFT représentant le sac à main Birkin en fourrure.

 

Le monde virtuel est ainsi rattrapé par le monde réel. Il y a fort à parier que les atteintes aux droits des titulaires vont avoir tendance à s’accroître dans le monde virtuel au regard de l’attrait suscité par les métavers. Pour l’heure, les législations actuelles permettent d’agir mais seront-elles suffisantes pour faire face à de telles atteintes. En effet des problématiques nouvelles se poseront nécessairement dans un futur proche, notamment avec le développement des métavers (loi applicable, droit de la preuve, etc.).

 

 

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Photo à la Une : © Illustration par Marija Marc

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Emmanuelle Hoffman
Emmanuelle Hoffman est titulaire d'un DESS de droit de la propriété intellectuelle et est inscrite au Barreau de Paris depuis 1988 et au Barreau du Québec depuis 2016. Elle a une importante activité de conseil stratégique et de contentieux en droit de la propriété intellectuelle, de la contrefaçon et de la concurrence déloyale.

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