[CHRONIQUE] La marque de renommée : une arme redoutable mais difficile à manier

Rolex, Ritz, Jaguar ou encore Boss sont les grandes Maisons de luxe qui ont animé l’année 2023 en faisant le choix d’agir sur le fondement de la renommée de leurs marques contre des demandes de marques postérieures désignant des produits et services pourtant différents de ceux couverts par leurs marques et protégeant leur activité traditionnelle.

 

Une marque de renommée est une marque enregistrée qui est connue d’une partie significative du public concerné pour les produits ou services qu’elle désigne. La directive européenne dite « Paquet Marques » et sa transposition française par l’ordonnance du 13 novembre 2019 lui ont octroyé un régime et des articles spécifiques dans le Code de la propriété intellectuelle (notamment l’article L. 711-3). Lorsqu’elle est invoquée par son titulaire contre une marque postérieure enregistrée, celui-ci sera fondé à intenter une action en contrefaçon

 

Elle se distingue de la marque notoire qui n’est pas enregistrée en tant que telle auprès d’un office de marques mais permet à celui qui la revendique d’exercer une action en opposition et/ou une action en nullité devant l’office, sous réserve de démontrer qu’elle est largement connue du public du fait de son usage à titre de marque. Il s’agira ici d’une action en responsabilité civile et non d’une action en contrefaçon.

 

Un atout majeur pour diversifier ses activités sans recourir à un nouveau dépôt de marque

 

La marque de renommée présente l’avantage d’étendre la protection conférée par une marque déjà enregistrée à des produits et services différents de ceux qu’elle désigne, même visés dans des classes différentes. Elle échappe ainsi au principe de spécialité selon lequel la marque protège uniquement les produits et services désignés dans le dépôt.

 

Tout d’abord, l’appréciation de la renommée s’effectue notamment en prenant en compte la part de marché détenue par la marque, l’intensité de son exploitation, son étendue géographique, la durée de son usage ou encore l’importance des investissements par son titulaire.

 

Il est ensuite nécessaire de justifier d’une clientèle commune entre les produits et services désignés dans le dépôt de la marque postérieure et ceux revendiqués par le titulaire de la marque antérieure.

 

Enfin, le titulaire de la marque antérieure devra démontrer (a) un risque de confusion entre les signes en cause, (b) que l’usage de la marque postérieure tire indûment profit de la marque de renommée antérieure et (c) qu’il n’existe pas un juste motif applicable à l’usage de la marque postérieure.

 

Le titulaire d’une marque de renommée répondant à ces critères aura ainsi la faculté de diversifier ses activités tout en étant protégé par sa marque antérieure et se verra offrir le droit d’interdire à tout tiers d’utiliser un signe identique ou similaire à sa marque. Autrement dit, il sera en mesure de s’inscrire dans des tendances de mode ou encore de société, notamment dans le cadre d’une collaboration en lui faisant bénéficier d’un titre de propriété antérieur.

 

L’industrie du luxe ne s’y est d’ailleurs pas trompée en 2023. Ainsi, l’opposition formée par le titulaire de la marque de l’Union européenne « RITZ » contre la demande de marque européenne « Bellagio Ritz » a été accueillie pour des services de publicité, l’office européen des marques (EUIPO) ayant considéré que la renommée de la marque antérieure est susceptible de rayonner au-delà de l’hôtellerie du fait notamment de son chiffre d’affaires et de sa présence médiatique historique.

 

L’EUIPO a également fait droit au titulaire de la marque figurative de l’Union européenne « JAGUAR » qui s’opposait à l’enregistrement d’un signe figuratif similaire (une tête de jaguar de face, les crocs dévoilés) non sur des voitures luxueuses mais sur des cosmétiques, de la joaillerie et d’autres produits luxueux en reconnaissant sa renommée et en affirmant que « les marques de voitures de luxe et de produits de luxe, par exemple dans l’industrie cosmétique, collaborent ou forment occasionnellement des partenariats »

 

De même, l’atteinte à la renommée de la marque « BOSS » a été caractérisée selon l’EUIPO dans le cadre de l’action intentée par la célèbre marque de vêtements face à la demande de marque de l’Union européenne « DOGBOSS » en retenant une clientèle commune entre celle des produits vestimentaires et celle des produits animaliers. Cette décision s’inscrit dans le sillage de la tendance récente de marques de haute couture élargissant leur activité au avec le milieu animalier (Louis Vuitton, l’image de Karl Lagerfeld avec son chat, Gucci, Louboutin). 

 

Des critères complexes à réunir pour revendiquer efficacement l’atteinte à la renommée d’une marque antérieure

 

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Photo à la Une : © Ritz

 

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Corinne Thiérache

Avocat au Barreau de Paris depuis 1994, Corinne Thiérache est associée au sein du cabinet Alerion et assume la responsabilité des départements Droit des technologies et du Numérique / Propriété intellectuelle. Cette experte accompagne depuis 30 ans ses clients tant au niveau du conseil que du contentieux.

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Adrien Bansard

Inscrit au Barreau de Paris depuis février 2019, Adrien Bansard est avocat collaborateur au sein du cabinet Alerion. Il intervient en Droit de la propriété intellectuelle et Droit des technologies et du numérique, tant en conseil qu’en contentieux, pour le compte d’une clientèle française et étrangère.

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