Jacques Carles (Centre du luxe) : « Le luxe, c’est ce qui se transmet »

Jacques Carles est le président-fondateur du Centre du luxe et de la création. Dans cette interview, il se confie sur l’événement le Sommet du luxe, parle des défis qui se posent concernant l’industrie du luxe ainsi que de son évolution. Entretien.

 

Luxusplus : Comment définiriez-vous l’âme du luxe et de la création et pourquoi avoir choisi ce thème pour le Sommet du luxe et de la création cette année ?

 

Jacques Carles : Si le rapport au luxe évolue, l’attachement à l’objet, dans une société en recherche de sens et d’éthique, ne sera-t-il pas dans les années à venir encore plus étroitement lié au supplément d’âme qui s’en dégage ? À travers ce sujet, j’ai souhaité poser l’idée que l’âme, qui peut avoir un sens différent selon les cultures ou les territoires, demeure le principe vital et spirituel de nature transcendantale qui anime le corps d’un être vivant et par extension, de toute création. Derrière ce sujet, il y a toutes les questions que se posent les créateurs sur l’évolution de leurs métiers dans un contexte de forte croissance de l’économie du luxe, de bouleversements sociétaux et géopolitiques mais aussi de la présence de plus en plus évidente de l’IA, sujet qui sera abordé au cours du Sommet.

 

À quelles conditions alors, le luxe qui s’incarne dans les objets culte, les savoir-faire immémoriaux, l’excellence et la beauté, arrivera-t-il à perpétuer l’âme qui l’anime depuis des siècles ? Je suis impatient de pouvoir échanger avec les acteurs du luxe sur ces questions et notamment avec Alberto Cavalli qui dirige la Fondazione Cologni dei Mestieri d’arte et la Michelangelo Foundation for Creativity and Craftsmanship.

 

Luxusplus : Pourquoi ce thème est-il important pour l’industrie du luxe et plus précisément les marques ?

 

JC : L’engagement des Maisons de luxe en faveur de la transmission et de la préservation des savoir-faire de la main prouve que l’âme du luxe guide encore leurs stratégies de développement. Pour aller plus loin, je citerai volontiers Bernadette Dodane, présidente de CRISTEL, qui, lors de la réception du prix « Messe Frankfurt » décerné par l’Académie des Sciences morales et politiques, le 12 décembre 2022, indiquait que « La performance économique est une conséquence de l’engagement humain moral et politique ». Je rencontre régulièrement des hommes et des femmes qui ont, chevillés au cœur et au corps, la volonté et le talent de transmettre l’âme du luxe, à travers le développement de leur entreprise. À l’heure où le concept de travail peut parfois être remis en cause, il est important de rappeler que le geste d’exception reste plus que jamais source de rêve. Est-ce parce que les mains pour façonner les objets de luxe viennent à manquer ? Je formule le vœu que l’alliance entre la tradition et la nouveauté consolide l’âme du luxe qui habite le talent des créateurs.

 

Luxusplus : L’industrie du luxe peut-elle répondre aux défis actuels, tels que la durabilité et la responsabilité sociale, tout en préservant l’âme et l’essence du luxe et de la création ?

 

JC : Emilie Metge, présidente de Christofle, rappelle souvent que « Le luxe c’est ce qui transmet. Ce sont des produits pour la vie. Donc l’écoresponsabilité à travers la longévité des objets est dans l’ADN des arts de la table notamment. À la lumière des maisons et des créateurs qui se présentent aux Talents du luxe et de la création depuis quelques années déjà, j’en suis pleinement convaincu. La prise de conscience est réelle. C’est même une grande source de création. Le 15 juin prochain, au Sommet du luxe, vous découvrirez notamment de belles maisons nichées au fin fond de la Bourgogne Franche Comté comme La Maison Dumas, Cristel, Coucoo ou RKF Luxury Linen qui font preuve non seulement d’un engagement authentique, mais également d’innovation pour conjuguer RSE, excellence et performance. De la conception du produit à la recherche de matériaux éco-responsable, du process de production jusqu’à celui du recyclage, nombreuses sont les entreprises à déployer des trésors d’innovation.

 

Autre exemple que je présenterai le 15 juin prochain, l’entreprise dijonnaise Cogitech, qui a relevé le défi de créer le Trophée des Talents à partir de matières recyclées pour leur redonner une vie, une beauté, voire pourquoi pas une âme. L’avenir le dira. Si les entreprises ont leur part de responsabilité, les consommateurs sont également partie prenante dans leurs achats, ce qui pose la question du prix. Comme se plait à rappeler Julien Tuffery, si le prix intégrait le coût humain et le coût planète, son jean produit en France aurait le coût carbone le plus bas de la planète.

 

Luxusplus : Plusieurs tables rondes se tiendront lors de cette journée, dont l’une s’intitule « Quels repères face aux bouleversements sociologiques et géopolitiques ? ». Selon vous, de quelle manière ces bouleversements impactent-ils l’âme du luxe et la création ?

 

JC : Prenons le sujet de la mondialisation. Comme le rappellera, lors du Sommet, Marc Abélès, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS, si l’économie du luxe est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est en partie grâce à l’évolution de la mondialisation. À l’heure où le luxe vit une euphorie de la croissance, ne faudrait-il pas nuancer la vision idyllique de l’avenir du luxe, tout au moins du luxe occidental tel qu’il existe aujourd’hui, en intégrant les dysfonctionnements actuels de la mondialisation et les bouleversements sociologiques et géopolitiques actuels ? Autre façon d’aborder ce sujet, si le luxe régénératif est une réponse des Maisons de luxe aux attentes des consommateurs en matière de développement durable, quelles peuvent être les réponses à ceux qui rejettent le modèle consumériste, tendance que les marques de luxe ne peuvent ignorer ?

 

Mais je crois plus que jamais, à l’aune des crises que traverse le monde, qu’une des finalités du luxe est de réenchanter le monde, voire de le repenser. C’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai créé ce lieu de réflexion qu’est le Centre du luxe et de la création.

 

Luxusplus : Comment l’âme du luxe et de la création peut-elle être un guide pour l’industrie dans les années à venir ?

 

JC : Plusieurs témoignages feront le lien au cours du Sommet entre l’âme et l’authenticité. C’est un guide pour l’industrie du luxe mais aussi pour les pouvoirs publics qui, faut-il le rappeler, sont depuis la naissance du luxe en France, aux côtés des créateurs, des ateliers, des pme et des maisons de luxe…pour les accompagner dans leur développement, dans leurs besoins de recrutement et de formation, voire dans leurs investissements !
L’engagement exemplaire de la Région Bourgogne Franche Comté en faveur de l’écosystème luxe et savoir-faire d’excellence, incarne ce que je ne cesse de proclamer depuis la création du Centre du luxe et de la création : « le luxe est populaire ». J’ajouterai enfin que l’âme du luxe est un trait d’union entre les cultures et crée des lieux de rencontres et d’émerveillement.

 

Lire aussi >Le programme du Sommet du luxe 2023 enfin dévoilé

Photo à la Une :  © Presse

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