Dans le contexte de la faible reprise de la demande de produits de luxe en Chine post-pandémie, les acteurs du secteur cherchent à séduire une clientèle chinoise évoluant vers des choix nationaux. Alors que les grandes marques ciblent le segment des « Very Important Clients » (VIC), la stratégie s’oriente notamment vers des événements exclusifs et des avantages personnalisés.
La faible reprise de la demande de produits de luxe à la suite de la réouverture de la Chine après la pandémie a suscité des inquiétudes parmi les investisseurs, notamment quant aux perspectives du secteur. Depuis juillet, les actions de LVMH ont enregistré une baisse d’environ 17 %, tandis que celles de Richemont ont chuté de 24 %. Cette semaine, Burberry a également signalé une croissance plus faible que prévu en raison d’un ralentissement des dépenses de luxe dans le monde et en Chine.
Pour remédier à cette situation, les marques se concentrent sur la vente d’un nombre restreint d’articles de plus grande valeur, ciblant les 5 % de consommateurs de luxe qui, selon les analystes de HSBC, représentent plus de 35 % de leurs ventes en Chine.
La stratégie consistant à offrir des avantages tels qu’un accès exclusif et des rencontres avec les créateurs à cette poignée de clients s’est avérée efficace pour les marques de luxe à l’échelle mondiale, mais elle n’a pas été autant exploitée par le passé en Chine.
Entre 2019 et le début 2022, les ventes de produits de luxe en Chine ont doublé, certaines marques enregistrant des taux de croissance de 40 à 60 % en glissement annuel. Selon Jacques Roizen, directeur général du conseil chez Digital Luxury Group, les consommateurs de la classe moyenne représentaient « plus de la moitié » de cette croissance.
Changement des valeurs post-covid en Chine
En 2021, la santé et la sécurité de la famille sont devenues les principales préoccupations de la moitié des consommateurs chinois. Les consommateurs accordent désormais une plus grande attention à la qualité et à la sécurité des produits. Cela a conduit à ce que l’alimentation prenne parfois le pas sur les acquisitions matérielles, les chinois privilégiant les repas gastronomiques aux sacs à main de luxe.
La pandémie a également stimulé l’intérêt pour les magasins avec une offre lifestyle. C’est ainsi qu’en 2022, Tiffany, Louis Vuitton et Burberry ont tous ouvert des cafés ou des restaurants. Dans le même temps, la tendance au luxe discret s’est développée. Au lieu d’afficher leur richesse, les clients aisés privilégient la qualité et le service à la clientèle sur mesure offerts par les marques de luxe.
Le Guochao, ou nationalisme chinois, a aussi pris de l’ampleur parmi les consommateurs chinois. Ils sont de plus en plus attirés par les marques de luxe qui correspondent à leur identité et expriment leur admiration pour la culture chinoise. Enfin, la pandémie a accéléré la numérisation du secteur du luxe. Un rapport McKinsey de 2022 a montré que plus de la moitié des détaillants chinois se concentraient sur l’expansion de leurs opérations omnicanales, et un tiers sur l’augmentation de leur utilisation de l’intelligence artificielle, tandis que près de 40 % des consommateurs de la génération Z préféreraient découvrir les vêtements en magasin, mais faire leurs achats en ligne.
Les Chinois achètent moins de produits de luxe
En Angleterre par exemple, d’après des données publiées lundi par la New West End Company, le fossé se creuse entre le nombre de touristes internationaux, et notamment chinois, visitant la capitale britannique et leur propension à dépenser. En septembre, le premier mois après la levée des restrictions imposées par le gouvernement chinois aux voyages de groupe, les arrivées de Chine étaient inférieures de seulement 2 % aux chiffres de 2019, mais les dépenses avaient chuté de 58 %. Selon l’organisation, qui représente environ 600 détaillants, restaurateurs, hôteliers et propriétaires de biens immobiliers, l’écart moyen entre le nombre de visiteurs internationaux et leur volonté de dépenser par rapport à 2019 a diminué de 31 % au troisième trimestre 2023.
La reprise générale des dépenses chinoises de luxe réalisées à Londres en octobre est restée faible, selon un rapport récent de HSBC. Elles représentaient ainsi environ 81 % de celles d’octobre 2019. Alors que les dépenses de luxe des touristes chinois dans la région Asie-Pacifique ont atteint 109 % des niveaux d’octobre 2019, celles réalisées en Europe continentale ont atteint 52 % des niveaux d’avant la pandémie.
Selon les estimations de Morgan Stanley, environ 1 % des clients devraient représenter à l’avenir jusqu’à 40 % des ventes dans certains grands centres commerciaux de luxe en Chine. Pour développer leurs services de vente, des marques renommées ont ouvert des salons VIP sur les principaux marchés chinois.
Cibler les ultrariches
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Photo à la Une : ©Bulgari