Ethique et traçabilité en joaillerie, où en est-on ? (Interview de la nouvelle Executive Director du Responsible Jewellery Council)

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Melanie Grant, la nouvelle Executive Director du Responsible Jewellery Council, fait le point avec LUXUS+ dans une interview exclusive.

 

La mission du RJC (Responsible Jewellery Council) est de promouvoir des pratiques éthiques, sociales et environnementales responsables tout au long de la chaîne d’approvisionnement des bijoux de la mine à la vitrine du joaillier. Les entreprises certifiées par le RJC s’engagent sur le respect de ces pratiques et la transparence de leur activité. Les matières concernées sont l’or, le platine et le diamant mais le RJC élargit constamment son périmètre, qui englobera à terme l’argent et les pierres de couleur.

LuxusPlus : Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir la nouvelle directrice exécutive du RJC ?

 

Melanie Grant : Je suis très différente des directeurs exécutifs précédents, en tant qu’écrivaine, commissaire d’exposition et femme noire, et je pense donc que j’ouvre une nouvelle ère sur le plan créatif mais également pour l’industrie. Je crois que j’ai eu de la chance d’avoir une carrière multiple : j’ai travaillé comme styliste, directrice artistique et écrivaine. À un moment donné, j’ai possédé et dirigé ma propre agence de création avant de travailler en free-lance pour The Economist. J’y suis allée pour une journée et j’y suis restée pendant 16 ans pour superviser le département Montres et Joaillerie. J’ai adoré apporter de la beauté et du sens aux contenus et apprendre avec tous ces journalistes qui sont intellectuellement rigoureux. J’ai commencé à écrire il y a une dizaine d’années à The Economist où une coterie de femmes fortes m’ont prise sous leur aile collective. Lorsque mon livre « Coveted : Art & Innovation in High Jewellery » est sorti en 2020 (ndlr Editions PHAIDON), j’ai commencé à organiser des expositions, ce qui s’est fait naturellement. Cet été, j’ai été commissaire de la section des bijoux contemporains de l’exposition « Crown to Couture » au Palais de Kensington, qui étudie les parallèles entre la cour du siècle géorgien et le tapis rouge de notre époque contemporaine. Pour moi, le RJC est un autre type d’expérience car il implique d’aborder la joaillerie sous des angles nouveaux et intéressants. Et je ne demande qu’à apprendre !

LP: Vous êtes en train de réviser la CoC (Chain of Custody*). Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels sont les objectifs ?

 

M.G: Le RJC s’efforce de progresser continuellement en fonction de l’évolution du marché et de la société, de sorte que tout ce que nous offrons permet de continuer d’aller de l’avant. L’objectif est toujours de proposer les normes les plus exigeantes tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Pour le démontrer, nous lançons notre boîte à outils ESG (Environmental, Social & Governance), lors notre sommet inaugural sur la joaillerie responsable « State of the Art Jewelry Summit” que nous organisons avec Harvard et le GIA le 23 juin prochain.

 

LP: En 2019, le RJC a annoncé qu’il étendrait ses services aux pierres précieuses de couleur et, dans une prochaine étape, aux pierres fines. Où en sommes-nous aujourd’hui dans la mise en œuvre du projet ?

 

M.G: Elle est en cours. Le RJC poursuit les recherches qu’il a entamées en 2019, mais l’audit concernant les pierres de couleur a malheureusement dû être mis en suspens en raison du Covid. Nous n’avons pas de date de lancement à communiquer pour l’instant.

LP: Comment collaborez-vous avec Watch and Jewellery Initiative ? En quoi êtes-vous complémentaires et non concurrents ?

 

M.G: La Watch and Jewellery Initiative a été créée à l’origine par le RJC et nous la soutenons dans ses objectifs d’améliorer les pratiques du secteur. Je pense que chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, il ne s’agit pas d’une compétition et les progrès ne peuvent être le fait d’une seule personne ni d’une seule entité.

LP: La production de diamants de synthèse doit-elle être mieux contrôlée ?

 

M.G: Lorsque le RJC lancera son LGMS (Laboratory Grown Materials Standard), nous inviterons les entreprises qui produisent des diamants de synthèse à rejoindre l’organisation en tant que membres et à participer au processus de certification, établissant ainsi une référence fiable pour des pratiques responsables tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Le terme « durable » ne peut être mesuré en l’absence d’une norme officielle reconnue, car il existe de nombreuses définitions du terme « durable » pour les diamants de synthèse.

Il est important de préciser que l’exploitation minière et la fabrication des diamants de synthèse ont des impacts environnementaux différents. Les méthodes ne sont pas les mêmes lorsqu’il s’agit de la réhabilitation après l’exploitation minière ou après la fabrication. Il est important que toutes les entreprises montrent qu’elles comprennent le cycle de vie environnemental complet de leurs activités et qu’elles en réduisent ou suppriment tout impact négatif, qu’il s’agisse de l’extraction de diamants naturels ou de la création de diamants de synthèse, afin de contribuer à la protection de l’environnement. Ainsi, oui, la production de synthétiques devrait avoir une norme LGM, comme c’est le cas pour les diamants naturels, afin que l’industrie et leurs clients soient mieux informés sur leur création et leur diffusion.

LP: Quelle est votre vision de l’avenir du RJC ? Quelles sont les questions que vous souhaitez approfondir en particulier ?

 

M.G: Depuis que je suis ici, j’ai été surprise par le nombre de personnalités expérimentées et compétentes qui ont souligné l’importance du RJC dans le secteur de la joaillerie. Celui-ci constitue le socle des normes, un fondement solide qui apporte un soutien pratique, des formations et des conseils à ceux qui veulent améliorer leurs pratiques. Il y a cependant des choses que nous ne pouvons pas faire et que nous ne faisons pas. Nous ne sommes pas la police et nous n’avons pas le pouvoir d’obliger les entreprises à agir. Mais étant donné que de plus en plus de clients et de collectionneurs questionnent la traçabilité, nous continuerons à évoluer et à nous adapter au marché. Par exemple, nous avons lancé une consultation publique l’année dernière, première étape de la création de normes pour les diamants de synthèse. Il est important que tous les acteurs de notre industrie respectent une norme mondiale unifiée et que les consommateurs aient confiance en elle.
J’aimerais beaucoup que nous apprenions des autres industries et que nous communiquions avec elles, par exemple avec l’industrie de la mode qui, je pense, s’attaque au sujet du développement durable avec efficacité, ainsi qu’avec le monde de l’art. J’ai récemment rejoint le conseil d’administration de l’ISEAL, qui compte parmi ses membres des représentants de l’industrie de la pêche et du textile, entre autres, et j’aimerais comprendre comment ils relèvent leurs propres défis. Les gouvernements sont également des partenaires clés. Nous pouvons leur faire comprendre la nécessité de légiférer pour permettre au secteur de la joaillerie de prospérer et nous continuerons à avoir ces échanges. Je pense que nous avons un grand potentiel pour diffuser nos idées au-delà de l’horlogerie et de la joaillerie et cela me motive beaucoup.

LP: Quels sont vos grands défis aujourd’hui ? Quels sont / seront les principaux obstacles ? Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

 

La guerre en Ukraine a été notre plus grand problème à ce jour au niveau de notre gouvernance, des gouvernements et de la population. Elle continue d’avoir des effets dévastateurs pour des millions de personnes sur le terrain, mais aussi dans le reste du monde, de différentes manières. En réponse à ce défi, nous avons mis à jour notre convention d’adhésion, mandaté un groupe de travail pour examiner notre gouvernance et nous sommes en train d’ajuster nos statuts, dont les détails seront partagés avec les membres et feront l’objet d’un vote lors de la prochaine assemblée générale annuelle le 9 juin 2023. Cette guerre, événement sans précédent, a profondément ébranlé le RJC. Nous n’y étions pas préparés, mais nous nous adaptons et nous en tirons les leçons. La plupart des membres qui étaient partis sont revenus quelques semaines plus tard, ce qui est formidable. J’espère que nous pourrons aller de l’avant ensemble en tant qu’industrie et nous remettre de cette épreuve, car le secteur de la joaillerie a vraiment besoin d’unir toutes ses forces.

 

(1) CoC : Chain of Custody – elle définit les normes du RJC qui doivent s’appliquer sur l’ensemble de la chaîne, de la production à la mise en vente

 

Lire aussi > Entretien : Andrea Ferraresi (Ducati) nous parle du nouveau Diavel V4

 

Photo à la Une : © Presse [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row njt-role= »not-logged-in »][vc_column][vc_column_text]

Melanie Grant, la nouvelle Executive Director du Responsible Jewellery Council, fait le point avec LUXUS+ dans une interview exclusive.

 

La mission du RJC (Responsible Jewellery Council) est de promouvoir des pratiques éthiques, sociales et environnementales responsables tout au long de la chaîne d’approvisionnement des bijoux de la mine à la vitrine du joaillier. Les entreprises certifiées par le RJC s’engagent sur le respect de ces pratiques et la transparence de leur activité. Les matières concernées sont l’or, le platine et le diamant mais le RJC élargit constamment son périmètre, qui englobera à terme l’argent et les pierres de couleur.

LuxusPlus : Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir la nouvelle directrice exécutive du RJC ?

 

Melanie Grant : Je suis très différente des directeurs exécutifs précédents, en tant qu’écrivaine, commissaire d’exposition et femme noire, et je pense donc que j’ouvre une nouvelle ère sur le plan créatif mais également pour l’industrie. Je crois que j’ai eu de la chance d’avoir une carrière multiple : j’ai travaillé comme styliste, directrice artistique et écrivaine. À un moment donné, j’ai possédé et dirigé ma propre agence de création avant de travailler en free-lance pour The Economist. J’y suis allée pour une journée et j’y suis restée pendant 16 ans pour superviser le département Montres et Joaillerie. J’ai adoré apporter de la beauté et du sens aux contenus et apprendre avec tous ces journalistes qui sont intellectuellement rigoureux. J’ai commencé à écrire il y a une dizaine d’années à The Economist où une coterie de femmes fortes m’ont prise sous leur aile collective. Lorsque mon livre « Coveted : Art & Innovation in High Jewellery » est sorti en 2020 (ndlr Editions PHAIDON), j’ai commencé à organiser des expositions, ce qui s’est fait naturellement. Cet été, j’ai été commissaire de la section des bijoux contemporains de l’exposition « Crown to Couture » au Palais de Kensington, qui étudie les parallèles entre la cour du siècle géorgien et le tapis rouge de notre époque contemporaine. Pour moi, le RJC est un autre type d’expérience car il implique d’aborder la joaillerie sous des angles nouveaux et intéressants. Et je ne demande qu’à apprendre !

LP: Vous êtes en train de réviser la CoC (Chain of Custody*). Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels sont les objectifs ?

 

M.G: Le RJC s’efforce de progresser continuellement en fonction de l’évolution du marché et de la société, de sorte que tout ce que nous offrons permet de continuer d’aller de l’avant. L’objectif est toujours de proposer les normes les plus exigeantes tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Pour le démontrer, nous lançons notre boîte à outils ESG (Environmental, Social & Governance), lors notre sommet inaugural sur la joaillerie responsable « State of the Art Jewelry Summit” que nous organisons avec Harvard et le GIA le 23 juin prochain.

 

LP: En 2019, le RJC a annoncé qu’il étendrait ses services aux pierres précieuses de couleur et, dans une prochaine étape, aux pierres fines. Où en sommes-nous aujourd’hui dans la mise en œuvre du projet ?

 

M.G: Elle est en cours. Le RJC poursuit les recherches qu’il a entamées en 2019, mais l’audit concernant les pierres de couleur a malheureusement dû être mis en suspens en raison du Covid. Nous n’avons pas de date de lancement à communiquer pour l’instant.

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Melanie Grant, la nouvelle Executive Director du Responsible Jewellery Council, fait le point avec LUXUS+ dans une interview exclusive.

 

La mission du RJC (Responsible Jewellery Council) est de promouvoir des pratiques éthiques, sociales et environnementales responsables tout au long de la chaîne d’approvisionnement des bijoux de la mine à la vitrine du joaillier. Les entreprises certifiées par le RJC s’engagent sur le respect de ces pratiques et la transparence de leur activité. Les matières concernées sont l’or, le platine et le diamant mais le RJC élargit constamment son périmètre, qui englobera à terme l’argent et les pierres de couleur.

LuxusPlus : Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir la nouvelle directrice exécutive du RJC ?

 

Melanie Grant : Je suis très différente des directeurs exécutifs précédents, en tant qu’écrivaine, commissaire d’exposition et femme noire, et je pense donc que j’ouvre une nouvelle ère sur le plan créatif mais également pour l’industrie. Je crois que j’ai eu de la chance d’avoir une carrière multiple : j’ai travaillé comme styliste, directrice artistique et écrivaine. À un moment donné, j’ai possédé et dirigé ma propre agence de création avant de travailler en free-lance pour The Economist. J’y suis allée pour une journée et j’y suis restée pendant 16 ans pour superviser le département Montres et Joaillerie. J’ai adoré apporter de la beauté et du sens aux contenus et apprendre avec tous ces journalistes qui sont intellectuellement rigoureux. J’ai commencé à écrire il y a une dizaine d’années à The Economist où une coterie de femmes fortes m’ont prise sous leur aile collective. Lorsque mon livre « Coveted : Art & Innovation in High Jewellery » est sorti en 2020 (ndlr Editions PHAIDON), j’ai commencé à organiser des expositions, ce qui s’est fait naturellement. Cet été, j’ai été commissaire de la section des bijoux contemporains de l’exposition « Crown to Couture » au Palais de Kensington, qui étudie les parallèles entre la cour du siècle géorgien et le tapis rouge de notre époque contemporaine. Pour moi, le RJC est un autre type d’expérience car il implique d’aborder la joaillerie sous des angles nouveaux et intéressants. Et je ne demande qu’à apprendre !

LP: Vous êtes en train de réviser la CoC (Chain of Custody*). Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels sont les objectifs ?

 

M.G: Le RJC s’efforce de progresser continuellement en fonction de l’évolution du marché et de la société, de sorte que tout ce que nous offrons permet de continuer d’aller de l’avant. L’objectif est toujours de proposer les normes les plus exigeantes tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Pour le démontrer, nous lançons notre boîte à outils ESG (Environmental, Social & Governance), lors notre sommet inaugural sur la joaillerie responsable « State of the Art Jewelry Summit” que nous organisons avec Harvard et le GIA le 23 juin prochain.

 

LP: En 2019, le RJC a annoncé qu’il étendrait ses services aux pierres précieuses de couleur et, dans une prochaine étape, aux pierres fines. Où en sommes-nous aujourd’hui dans la mise en œuvre du projet ?

 

M.G: Elle est en cours. Le RJC poursuit les recherches qu’il a entamées en 2019, mais l’audit concernant les pierres de couleur a malheureusement dû être mis en suspens en raison du Covid. Nous n’avons pas de date de lancement à communiquer pour l’instant.

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Isabelle Hossenlopp
Isabelle Hossenlopp est journaliste spécialisée en joaillerie. Diplômée de Sciences Po Paris, elle a plus de 30 ans d’expérience dans le luxe dont 11 années passées chez Chanel. Elle fait aussi du conseil en contenu éditorial et storytelling et enseigne dans les MBA Luxe d’Ecoles de Management et de Communication.

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