Alors que 30% des consommateurs de luxe indiquent que les démarches vertueuses menées par les marques sont un critère décisif dans leur parcours d’achat, la durabilité des boutiques haut de gamme semble rester en marge des premières préoccupations green. Echange avec Françoise Hernaez, Directrice Conseil Luxe chez Kantar Insights et Nicolas Rebet, Fondateur de Retailoscope.
Le constat n’est plus à faire. Face aux défis environnementaux et sociétaux, la quête de durabilité s’est imposée au sein même de la consommation. Selon l’étude RSE de Kantar Sustainability Report Index menée en juillet dernier sur un panel de 35 000 personnes tous profils confondus, 69% des interrogés ressentent les effets du changement climatique au cours de leur vie et seulement 25% pensent vivre dans une société juste et inclusive.
Si la majorité des consommateurs prend conscience de l’importance de préserver la planète et est sensible au respect des salariés, le luxe n’obtient pas vraiment de louanges en la matière. Le grand public considère encore que cette industrie est source d’inégalités sociales, de pauvreté ou encore de surconsommation. Une perception du secteur plutôt négative malgré les lettres de noblesse données aux marques premium, qui restent très appréciées par la globalité des clients.
Les clients du luxe souhaitent faire bouger les choses et déculpabiliser les achats plaisir
Cette dichotomie diffère de la perception des consommateurs de luxe, représentant 2% du panel de l’étude. Ces derniers jugent plus favorablement la RSE du segment haut de gamme et ont une vision plus « pragmatique » de la situation, selon Françoise Hernaez, Directrice Conseil Luxe chez Kantar Insights. Les clients citent des problématiques liées au luxe plus concrètes, comme le suremballage, la déforestation et la pollution de l’air. « Les consommateurs du luxe sont prêts à faire bouger les choses et souhaitent qu’on leur facilite des achats plus durables », poursuit Françoise Hernaez.
D’après un autre rapport Kantar x Google de juillet 2023, 30% des consommateurs de produits de luxe mentionnent que l’impact ou la contribution à la société des marques, soit les démarches RSE vertueuses, sont un critère décisif dans leur parcours d’achat. Notamment pour les 18-27 ans qui représentent 47% de cette tranche de consommateurs RSE-sensibles contre 19% de baby-boomers.
« Le consommateur de luxe régulier est en quête d’une déculpabilisation de cette consommation plaisir et voudrait qu’elle soit en équilibre avec la durabilité » mentionne la Directrice Conseil Luxe chez Kantar Insights.
Stratégie durable : quand les marques misent sur les boutiques
Largement encouragées par les attentes durables des consommateurs, les marques ne cessent de communiquer massivement sur la durabilité de leurs produits. Sourcing, matière écoresponsable, recyclage… Si les collections se veulent de plus en plus green, qu’en est-il des points de vente ?
Conduire des actions respectueuses de l’environnement au sein des magasins est « devenu quelque chose d’obligatoire pour les marques, qu’elles le veuillent ou non » affirme Nicolas Rebet, Fondateur du cabinet de conseil en retail luxe et beauté Retailoscope.
Précurseur dans la durabilité du luxe, Gucci mène depuis des années une politique cadrée dans ses boutiques. Depuis 2009, la Maison italienne a obtenu la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), qui garantit le respect de normes permettant de créer des bâtiments écologiques sains, efficaces et économiques. Eclairage LED, utilisation d’énergies renouvelables, programme de recyclage et système de surveillance BMS pour analyser les consommations sont autant d’initiatives mises en place par Gucci et qu’il continue de développer et optimiser.
D’autres actions marquantes ont été réalisées par les Maisons ces derniers temps. Comme le mentionne Nicolas Rebet, Saint Laurent a intégré le décor d’un des défilés d’Hedi Slimane dans son flagship des Champs-Elysées tandis que Louis Vuitton offre une seconde vie à ses vitrines, comme par exemple ses devantures Lego, en les donnant à des écoles, associations ou théâtres. Citons aussi le partenariat green de LVMH avec le promoteur et propriétaire de centres commerciaux en Chine, Hang Lung Properties, pour abaisser la consommation des magasins, ou encore la façade de l’écrin Tiffany & Co. à l’aéroport Changi de Singapour, conçue à partir de déchets marins recyclés.
Un chemin retail écoresponsable encore long
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Photo à la Une : ©MVRDV