[INTERVIEW] Alliance France Cuir : entre tradition, innovation et durabilité

Dans un entretien exclusif, les experts de la filière nous plongent au cœur de l’industrie durable du cuir français. Frank Boehly, Président d’Alliance France Cuir ; Sophie Hivert, Déléguée Générale de la Fédération Française de la Tannerie Mégisserie ainsi que Christophe Dehard, Président de la Fédération des Cuirs et Peaux partagent leur expertise sur des sujets allant de l’approvisionnement responsable des peaux à l’anticipation des tendances du marché de la mode et du luxe.

 

Tous les animaux dont les peaux sont utilisées sont-ils issus de la filière agroalimentaire ou existe-t-il des élevages à destination de l’industrie du cuir uniquement ?

 

Frank Boehly, Président d’Alliance France Cuir : Une légende, soigneusement propagée et entretenue par un certain nombre d’ONG, fait qu’aujourd’hui, près d’un Français sur deux pense que des animaux sont spécifiquement élevés pour leur peau. Selon une enquête menée par l’ALLIANCE FRANCE CUIR, cette proportion, monte même jusqu’à 70% pour la tranche 18/24 ans.

C’est alarmant car cette fable ne repose sur aucune réalité, ne serait-ce que parce que ce serait un non-sens économique. La valeur de la peau d’un bovin se situe entre 3% et 5% de la valeur de l’animal, et ce chiffre est encore plus faible pour l’ovin. Dans ces conditions, comment imaginer que l’on puisse élever un animal pour, au mieux, 5% de sa valeur ?

La réalité, c’est que la peau est un co-produit de l’industrie agroalimentaire et que sa valorisation évite qu’elle ne devienne un déchet. Il faut savoir que 160.000 tonnes de peaux brutes sont valorisées chaque année en France et que leur destruction aurait un impact environnemental considérable.

Donc, pour répondre à votre question, il n’y a pas un seul bovin, un seul ovin ou caprin dans le monde qui soit élevé pour sa peau. Ces animaux sont élevés pour leur viande ou pour leur lait, mais dans tous les cas pour nourrir la population. La seule exception concerne les cuirs exotiques, mais ils ne représentent qu’un très faible pourcentage en volume au niveau mondial et leur viande est aussi consommée par les populations locales.

 

Quelles sont les différentes étapes du sourcing pour les tanneurs ?

 

Sophie Hivert, Déléguée Générale de la Fédération Française de la Tannerie Mégisserie : Les différentes étapes du sourcing pour les tanneurs mégissiers français varient en fonction de leurs business models. Ils achètent soit leurs peaux brutes auprès d’abattoirs ou collecteurs de peaux, soit des peaux en « crust » (peau tannée, séchée, qui peut être teintée mais sans finition) ou des cuirs en « wet-blue » (cuir à l’état bleu obtenu après le tannage minéral mais avant la teinture et le lissage).

 

Comment fonctionnent les partenariats établis entre tanneurs et éleveurs ?

 

Christophe Dehard, Président de la Fédération des Cuirs et Peaux : Il n’y a pas de partenariats tanneurs/éleveurs mais des partenariats tanneurs/abatteurs/éleveurs.

Ces partenariats s’inscrivent principalement sur des schémas veaux intégrés (veaux élevés en « nourrice »).

Il existe cependant un exemple de partenariat filière sur la filière des veaux sous la mère. Il s’agit du Projet FECNA.

 

Combien d’animaux alimentent la chaîne de production par an ?

 

CD : Source abattages – Agreste

© Abattages – Agreste

 

En 2022

Peaux de gros bovins : 96% à l’export et 4% en France

Peaux de veaux : 93% à l’export et 7% en France

Peaux d’ovins : 62% à l’export et 38% en France

Source : FAM/Douanes/ALLIANCE FRANCE CUIR

 

Est-ce que l’alimentation ou le bien-être des animaux influe sur la qualité du cuir ?

 

FB : Il faut tout d’abord s’entendre sur la terminologie. Le bien-être est un état qui relève d’une appréciation subjective. Dans la filière, nous préférons parler de bientraitance, qui est une démarche opposable et mesurable selon des critères objectifs et concrets.

Alors, bien sûr, la bientraitance animale (et l’alimentation en fait partie) a un effet sur la santé des animaux, donc sur la qualité de leur peau. Depuis de nombreuses années, la filière s’est engagée pour améliorer les conditions de vie des animaux d’élevage, à une époque où le bien-être animal n’était pas aussi en vogue sur le plan médiatique. Ainsi des actions concrètes ont été portées et financées par la filière telles que la vaccination des veaux contre la teigne (80% du cheptel est vacciné chaque année), la suppression des objets coupants, pointus, blessants dans les élevages (que nous appelons opération boulons), l’amélioration des conditions de transport des animaux…

La liste n’est pas exhaustive, mais il est clair que la bientraitance des animaux est un sujet prioritaire pour le secteur de l’élevage et de l’ensemble de la filière. La Fédération Française des Cuirs et Peaux emploie d’ailleurs trois personnes à plein temps pour encourager les bonnes pratiques au sein des élevages et des abattoirs.

 

De façon générale, la qualité du cuir varie-t-elle en fonction des animaux et de leur origine ?

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Photo à la Une : De gauche à droite Frank Boehly © CNC, Sophie Hivert © FFTM  et Christophe Dehard © CNC

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