[ENQUÊTE] Coachella : les secrets d’un luxe viral à l’épreuve de la Gen Z (Partie 1/2)

Rendez-vous annuel incontournable de la planète mode et beauté dans le désert californien, le festival de musique de Coachella séduit également depuis quelques années les marques de luxe. Le ticket d’entrée – très élevé – leur garantit une segmentation affinée pour un événement viral attirant la jeunesse dorée international.

 

Depuis sa création en 1999, le “Coachella Valley and Music Festival” a tout d’une utopie.

 

Situé à Indio – à deux heures de route de Los Angeles et 30 minutes de Palm Spring – l’évènement se déroule mi-avril sur deux weekends consécutifs, sur la pelouse d’un terrain de polo de 2,4 km², sous le soleil de plomb du désert du Colorado.

 

Pourtant, d’année en année, l’événement, bénéficiant d’une médiatisation hors pair grâce aux réseaux sociaux et à un parterre de célébrités sur scène comme dans ses allées, n’a pas cessé de grossir.

 

Un festival qui rime avec gigantisme

 

Les six jours de festivité attirent ainsi près de 250 000 participants, ce qui en fait l’un des plus grands festivals de musique du monde. Sa taille surpasse ainsi les deux autres festivals musicaux américains de premier plan que sont South By Southwest (SXSW) à Austin et l’Ultra Music Festival de Miami.

 

Ses festivaliers affluent à 70% de tous les Etats-Unis, dont seulement 21,1% des participants sont originaires de Californie, d’après les données d’une étude datant de 2019.

 

On compte également une part non négligeable de clientèle internationale, avec 22,6% de festivaliers extérieurs aux Etats-Unis, selon cette même étude.

 

Le festival a d’ailleurs été tellement médiatisé qu’il est entré dans le langage commun. C’est ainsi que l’ancien président américain Barack Obama a prononcé “Ceci n’est pas un concert de rock, ce n’est pas Coachella” dans le cadre d’un appel aux votes pour la campagne présidentielle de 2018.

 

La chanteuse de pop engagée et coqueluche de la génération Z, Billie Eilish le confirme en introduction du documentaire Coachella : 20 Years in The Desert (2020), produit par Youtube : “Tout le monde connaît Coachella. Même si vous ne vous intéressez pas à la musique, vous savez ce que c’est.”

 

Or, si une telle foule est prête à payer son « pass 3 jours », 499 dollars (soit 464 euros) ou son pass VIP, 1199 dollars (soit 1115 euros) – hors frais annexes (logement, nourriture, navette…) – c’est bien pour voir, au même endroit, les plus grandes stars américaines et internationales de la pop, du hip-hop et de l’électro.  Prince, Madonna, Daft Punk, Beyoncé, BlackPink, Amy Winehouse, Billie Eilish, The Weeknd, Justice… tous ou presque se sont déjà produits à Coachella.

 

 

 

D’ailleurs, l’édition 2023, du 14 au 23 avril dernier, comptait plus de 150 artistes – tout style musical confondu – sur six scènes différentes. Le festival s’est d’ailleurs taillé une réputation solide en matière de programmation, au point de séduire à la fois touristes et amateurs. 

 

Plan du festival avec ses six scènes dont cinq sous chapiteaux © Coachella

 

Et d’ailleurs, l’édition 2023 avait tout pour ameuter les foules : le girls band sud-coréen au succés planétaire BlackPink, le chanteur de soul américaine Franck Ocean, le dj britannique superstar Calvin Harris ou encore le portoricain roi du son latino et leader de l’écoute en streaming, Bad Bunny. Signe que le phénomène est devenu global : aucune des têtes d’affiche de l’année n’est blanche, tandis que la part d’artistes américains est fortement réduite par rapport aux éditions précédentes.

 

A côté de cela, les artistes francophones ne sont pas en reste, avec la chanteuse belge Angèle, prête pour son tout premier Coachella ou encore la nouvelle formation de feu Christine & The Queens, RedCar.

 

Tour Spectra et Grande roue de nuit © Coachella

 

Bien que les organisateurs ne communiquent jamais sur les retombées financières du festival, l’annonce de l’annulation des éditions 2020 et 2021 – en raison du contexte pandémique – donne des renseignements précieux. Un manque à gagner de 700 millions de dollars avait alors été évoqué pour les deux annulations, par Paul Tollett, président et Pdg de Goldenvoice, l’entreprise évènementielle qui organise le festival et filiale de AEG Live.

 

Un chiffre qui inclut autant la billetterie que le sponsoring des artistes, le merchandising ou encore les buvettes et autres points de restauration.  Nos confrères du magazine Numéro ont ainsi évoqué des prix prohibitifs pratiqués dès 2014 avec une petite bouteille d’eau à 4 dollars et un sandwich à 13 dollars.

 

Enfin, le gigantisme est visible jusque dans les installations artistiques éphémères, pour certaines devenues récurrentes d’année en année comme la seconde plus grande roue pliable au monde derrière le Big Eye de Londres ou encore la tour Spectra et ses parois panoramiques vitrées colorées.

 

Un décor de fête foraine revisitée qui se détache sur les Monts San Jacinto et qui n’est pas étranger à son succès ni à son iconographie.

 

La genèse d’un phénomène global

 

Tout a commencé en 1993, lorsque Goldenvoice organise un concert d’un nouveau genre pour le groupe de punk rock, Pearl Jam. Contestant la politique tarifaire hégémonique déjà en place du service de billetterie Ticketmaster, les organisateurs décident de déplacer l’événement à L’Empire Polo Club, un club équestre situé dans la vallée de Coachella. Pari réussi : malgré le caractère excentré de l’évènement, 25 000 personnes avaient répondu à l’appel.

 

Il n’en faut pas plus pour que les dirigeants de Goldenvoice, Paul Tollett et Rick Van Santen, promoteurs évènementiels versant de plus en plus dans les rave parties – aient l’idée un peu folle d’organiser, au même endroit, le premier festival de musique 100% éclectique des Etats-Unis.

 

Un concept qui contraste avec les méthodes de promotion toujours en vigueur dans les années 1990 aux Etats-Unis où, depuis Elvis Presley, l’artiste part à la rencontre de ses fans, via des tournées marathon à travers les différents états américains.

 

Dès sa genèse, Coachella convoque la tradition des festivals très “peace and love” de la côte ouest comme Monterey Pop, Cal Jam ou Us Festival. L’idée est également de concurrencer Glastonbury, qui était déjà l’un des plus grands festivals de musique et d’art du spectacle d’Europe. Ce festival britannique accueille alors dans le comté de Somerset, en Angleterre, près de 100 000 personnes (142 000 aujourd’hui). Sachant qu’ils n’étaient que 1500 pour la première édition (1970) et 12 000 dès la seconde année, fort de la présence de David Bowie en tête d’affiche ! Toutefois, le festival a beau attirer les foules et se dérouler fin juin, il subit régulièrement de fortes intempéries, ce qui rend vite l’expérience boueuse et le camping sur place chaotique.

 

Les cofondateurs souhaitent également présenter des talents et non des stars, une décision qui sera toutefois amenée à évoluer au fil du temps. Malgré de profonds désaccords en interne, le cofondateur Paul Tollett baptise l’événement en toute simplicité du nom de la vallée qui l’accueille : Coachella.

 

Lorsque le festival ouvre ses portes en 1999, il n’attire pas encore les foules. La première édition n’accueille que 35 000 personnes, soit à peine la moitié de ce que les organisateurs attendaient. La seconde édition est tout simplement annulée avant d’être reportée en 2001, fort du rachat de leur entreprise Goldenvoice par le groupe AEG. Ce dernier souhaite pénétrer le business des concerts alors que la salle de concert du Staples Center (20 000 places) vient de sortir de terre à Los Angeles  : il  demande alors aux organisateurs de Coachella de rempiler. Coachella finit par ne plus quitter la saison des festivals, qu’il ouvre chaque année.

 

Vue aérienne de Coachella avec en arrière-plan la tente Sahara © Skyler Barbelio pour Rolling Stones

 

2006 marque un premier passage de cap avec la prestation de la toute première star du festival : Madonna, alors en promotion pour son album “Confession on a dancefloor”. Paul Tollett a l’idée de lui réserver la tente Sahara. Devant le succès rencontré, le président de Goldenvoice comprend qu’une tête d’affiche est bien plus qu’un “nice to have” : un moyen d’attraction sans précédent. Dès lors, Coachella fera cohabiter sous ses différentes scènes, aux allures de tipis géants, des talents et des stars.

 

2011 marque un nouveau tournant avec la diffusion de certains concerts du festival grâce à un partenariat naissant avec Youtube. La notoriété de Coachella devient alors virale.

 

Si bien que l’ensemble des places se vend cette année-là en moins d’une semaine : 200 000 personnes sont alors privées de festival. Pour calmer le mécontentement, Paul Tollett a  l’idée de transformer l’essai sur deux week-ends dès 2012, là encore du jamais vu aux Etats-Unis !

 

Mais c’est en 2018 que l’événement cesse d’être un festival connu des seuls fans de musique indépendante et connaît une notoriété planétaire avec la venue de Beyoncé.

 

Une montée en luxe indéniable

 

Simple festival de musique à l’origine, l’événement s’est depuis diversifié pour proposer un parc d’exposition à ciel ouvert avec de nombreuses installations artistiques, des soirées et surtout une expérience globale. Les marques de mode et beauté ne tardent pas à se greffer à l’événement en tant que partenaires. Il en va ainsi de Revolve, le site de mode ciblant les générations Y et Z, qui finit par proposer son propre festival musical dans le festival. De son côté H&M, partenaire depuis 2009, commence à proposer à partir de 2015 ses collections capsules “H&M loves Coachella”, inspirées des tendances repérées sur place.

 

D’ailleurs avec la montée des réseaux sociaux et des influenceurs, Coachella ne draine plus exclusivement des amateurs de musique mais également des poseurs et tout ce que la blogosphère compte de fashionistas.

 

 

 

Lire aussi > [Enquête] Quoi de neuf dans le Retail de Luxe ? (Partie 1/4)

 

Photo à la Une : © Matt Winkelmeyer/Getty Images for Coachella

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Victor Gosselin
Victor Gosselin est journaliste spécialisé luxe, RH, tech, retail et consultant éditorial. Diplômé de l’EIML Paris, il évolue depuis 9 ans dans le luxe. Féru de mode, d’Asie, d’histoire et de long format, cet ex-Welcome To The Jungle et Time To Disrupt aime analyser l’info sous l’angle sociologique et culturel.
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