Cyril Attrazic, seul étoilé Michelin de la Lozère, assume une cuisine identitaire singulière

L’enfant du pays d’Aubrac assume une cuisine de viandes d’exception. Il partage la passion de son territoire avec une cuisine singulière, créative, voire déroutante. Cela lui a valu une deuxième étoile Michelin en mars 2023.

 

Sur le chemin de Compostelle, à 1 000 mètres d’altitude, il y a une halte à Aumont-Aubrac, au nord de la Lozère. L’hôtel « Chez Camillou » dirigé avec maestria par David Arnal, cousin du chef Cyril Attrazic, dispose d’un trésor : un restaurant doublement étoilé Michelin. Pour quelques pèlerins qui n’ont pas fait vœu d’ascèse, c’est le réconfort après l’effort.

 

Mais le restaurant éponyme « Cyril Attrazic » jouit d’une renommée internationale, car il assume une identité culinaire singulière, originale, voire déroutante. En Lozère, c’est la seule table étoilée. Elle affiche complet du jeudi au dimanche soir.

 

© Cyril Attrazic

 

Cyril, quatrième génération, et sa femme Karine sont aux commandes de cette belle maison. Ils accueillent avec un grand sourire leurs hôtes.

 

« Dans un monde où la cuisine se végétalise, l’Aubrac reste une terre d’élevage, de petites exploitations. C’est à travers notre sélection de produits locaux que nous partageons notre passion pour notre territoire », nous dit en guise d’introduction Cyril Attrazic qui nous reçoit à l’improviste dans ses cuisines.

 

Ici les assiettes sont plutôt marquées « viande ». Végétariens et végans s’abstenir. Quoique les petits légumes qui peuvent remplacer l’aligot – le plat emblématique de l’Aubrac – sont délicieusement croquants et savoureux.

 

Mais attention, pas n’importe quelle viande ! Le chef aumonais nous explique : « A l’heure où l’on parle d’écologie responsable, ici, en Aubrac, on développe notre écologie sur le bœuf. Savez-vous que lorsque l’on mange du bœuf on mange principalement de la vache ? Elles ont en général entre 3 et 14 ans et ont vêlé cinq ou six fois. Ce n’est pas la meilleure viande ! La France est un pays qui met au monde des veaux, mais les exporte notamment en Allemagne et en Italie. Je préfère travailler sur un veau que l’on castre qui a entre deux ans et demi et trois ans d’âge. Il est nettement plus gouteux et tendre. »

 

Tout cela ne serait pas possible si les cousins de sa femme ne disposaient pas d’élevages dans le coin. Un circuit court et privilégié qui fonctionne en famille. « Sur les terres Aubrac, il y a des micro exploitations où les bêtes sont bien traitées », souligne le chef lozérien.

 

Lorsque l’on tue une bête, outre les pièces nobles, Cyril Attrazic tient aussi à cuisiner les abats. « On garde tout et on utilise la viande pour faire aussi des steaks hachés, des pâtes à la bolognaise, des bœufs bourguignons… », explique cet adepte du développement durable.

 

Côté ambiance ? Le parti pris est une décoration contemporaine en collaboration avec l’architecte Hervé Porte, un allié depuis une vingtaine d’années. Les tables bien espacées offrent un univers privatif. Un système innovant permet d’intégrer à la fois des lumières tamisées, une diffusion musicale et une parfaite acoustique favorisant la confidentialité. Pas de nappe blanche. Pas de chichi. Les assiettes blanches se succèdent en fonction du ballet des plats. On remarque les couteaux en bois de cerf fabriqués par Sophie Fauré au Mas Saint-Chély.

 

Paris avec Alain Ducasse, puis l’épopée Londonienne, et retour en Lozère

 

© Cyril Attrazic

 

Mais revenons sur le parcours de ce chef hors norme. Né sur les terres d’Aubrac avec l’idée de reprendre l’établissement familial, le jeune homme se forme près de chez lui au lycée de Saint-Chély-d’Apcher, puis à l’école Ferrandi à Paris. Il fait ses classes au Trianon Palace à Versailles, puis travaille avec Alain Ducasse à Paris. Suit une épopée à Londres avec Karine. En 1998, le couple décide de « rentrer à la maison » pour construire leur vie et reprendre les rênes du restaurant familial.Une rencontre avec Michel Bras est incontournable ; celui-ci invite le jeune chef à Laguiole. Un moment marquant qui signe la cuisine résolument identitaire de Cyril Attrazic.

 

« Ma grand-mère Linette, décédée à 87 ans, rêvait de vieillir au milieu de ses petits-enfants. Elle a eu la bonne idée de construire deux bâtiments. L’hôtel a été légué à mon cousin et le restaurant m’a été transmis », explique le quadra. En hommage à celle-ci, le restaurant en face s’appelle « Linette ». Il suffit de traverser la route pour s’y rendre. Des petits prix qui permettent la découverte de la cuisine savoureuse du chef. La salade de gésiers est magnifique – une salade reconstituée, c’est rare !- et la tête de veau ravigote ravit les amateurs.

 

En 2023, Cyril Attrazic décroche la deuxième étoile. « Cette deuxième étoile m’a rassuré sur ma vision de la cuisine. Elle a apporté une légitimité à nos équipes, à notre famille, à nos éleveurs sans lesquels nous ne pourrions travailler comme nous le faisons », confie le chef à la tête d’une brigade de neuf personnes.

 

Une cuisine qui anticipe, travaille sur l’oxydation, la déshydratation et la fermentation

 

Le chef cultive la confidentialité de sa cuisine. Peu d’informations sur son site cyrilattrazic.fr qui porte son nom. En clair, au restaurant gastronomique, vous pouvez opter soit pour le menu « Sentier d’Aubrac » (170 euros), soit pour le menu « Laie d’Aubrac » (130 euros). « Les plats évoluent en fonction des saisons, la carte n’est pas figée », souligne Cyril qui cueille volontiers fleurs et aromates dans son jardin.

 

Lors d’un séjour prolongé « Chez Camillou », on peut déjeuner plus « léger » à la brasserie « Le Gabale ». Cela reste des plats qui tiennent au corps ! Comme, par exemple, le fondant de bœuf confit à basse température, rémoulade de sucrine et aligot ou le collier d’agneau farci de ses ris et aligot.

 

La botte secrète de Cyril Attrazic ? « Je suis à l’opposé d’une cuisine de marché. J’aime anticiper, travailler sur l’oxydation, la déshydratation et la fermentation des produits. Les volailles et les canards sont maturés au moins un mois. »

Qu’on en juge lors de la dégustation du menu Laie d’Aubrac.
L’agneau rosé au jus de rose fermenté fond sous la langue.
L’omble chevalier servi dans un bouillon d’arrêtes fumées est un délice.
La canette maturée au beurre blanc noir a un goût très charcuté, original. Suit le sorbet gentiane tonic à la poudre de citron noir (oxydée à 60 degrés pendant 60 jours) qui provoque de belles sensations dans la bouche.
Mais l’on ne vous dévoilera pas toutes les surprises du chef…

 

 

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Photo à la Une :  © Presse

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Corine Moriou
Corine Moriou a été Grand Reporter pour le groupe L’Express pendant 15 ans. Aujourd’hui, elle exerce son métier en tant que journaliste indépendante. Ses domaines de prédilection sont les sujets de société, la culture, les voyages, le bien-être. Jamais blasée, toujours prête !
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