[CHRONIQUE] Upcycling et marques de renommée : droits et limites pour le secteur du luxe

Avec la prise de conscience d’une surconsommation inadaptée et l’intérêt des consommateurs pour des produits à faible impact environnemental, les tendances du vintage et du Do It by Yourself se sont largement popularisées. Combinés, ces deux concepts ont donné naissance à un nouveau phénomène de mode, appelé « l’upcycling », qui consiste à redonner vie à des produits préexistants en les transformant en un autre produit.

 

L’upcycling de produits haut de gamme est devenu attrayant puisqu’il permet de rendre le luxe accessible à tous les portes monnaies. De nombreux créateurs upcycleurs se sont saisis de la tendance en proposant, via les réseaux sociaux, leurs créations fabriquées à partir de produits vintages de luxe de marques Chanel, Hermès, Yves Saint-Laurent, Dior ou Louis Vuitton.

 

Alors que l’industrie de la mode tend à se réinventer, il est nécessaire de mettre en balance les intérêts de chacun, entre le droit de propriété industrielle de l’ayant droit et la liberté de commerce et d’industrie des créateurs.

 

Une plongée dans les méandres du juridique en compagnie de Corinne Thiérache, avocate au Barreau de Paris depuis 1994, associée au sein du cabinet Alerion et chargé des départements Droit des technologies et du Numérique / Propriété intellectuelle.

 

Pour les ayants droit, l’upcycling est une atteinte à la marque de renommée

 

L’article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle accorde à la marque renommée une protection spéciale qui bénéficie aux marques particulièrement connues du grand public.

 

Est ainsi interdit l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque renommée, utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de renommée est enregistrée. Dans le cas de l’upcycling, le signe est identique puisque tout l’intérêt pour l’upcycleur est d’instrumentaliser la marque de luxe dans le cadre de ses créations.

 

Les ayants droit devront, en outre, prouver une atteinte effective :

 

Le préjudice dit de « dilution », est constitué dès lors que l’aptitude de la marque à identifier les produits pour lesquels elle est enregistrée se trouve affaiblie. Il est peu probable que les ayants droit arrivent à le démontrer, ce préjudice résultant de l’utilisation de la marque pour des produits différents, ce qui n’est pas le cas dans la majorité des cas d’upcycling de luxe, où les signes sont utilisés pour des produits souvent ajout ? sinon identiques, du moins, similaires.

 

Le préjudice dit de « ternissement », intervient lorsque les produits pour lesquels le signe identique est utilisé peuvent être « ressentis par le public visé d’une manière telle que la force d’attraction de la marque en est diminuée». Dans le cas des upcycleurs qui utilisent des détails de luxe pour créer des bijoux ou vêtements de prêt-à-porter, les ayants droit pourront s’appuyer sur la mauvaise qualité des créations upcyclées pour rapporter la preuve d’un ternissement de leur marque.

 

Le préjudice de « parasitisme », s’attache à l’avantage tiré par le tiers de l’usage du signe. Dans le cadre de l’upcycling de luxe, les upcycleurs tirent un avantage de l’usage des marques de renommée puisque les clients sont attirés par la forte attractivité attachée à la renommée des marques, accessibles à un prix abordable.

 

Dès lors que la preuve d’une de ces atteintes à la marque de renommée est rapportée par les ayants droit, l’upcycling de luxe constituera un acte de contrefaçon.

 

Pour les upcycleurs, l’épuisement des droits permet d’échapper à la contrefaçon

 



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Photo à la Une : © Vestiaire Collective

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Corinne Thiérache
Avocat au Barreau de Paris depuis 1994, Corinne Thiérache est associée au sein du cabinet Alerion et assume la responsabilité des départements Droit des technologies et du Numérique / Propriété intellectuelle. Cette experte accompagne depuis 30 ans ses clients tant au niveau du conseil que du contentieux.
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