L’industrie du luxe peut être grande cliente des dessins et modèles. En quoi cette approche peut être pertinente et comment le droit a aménagé les régimes de protection pour répondre aux contraintes de la créativité ? Quelques éléments de réponse pour mieux bâtir sa stratégie.
En France, les demandes de dessins et modèles ont connu une augmentation de 2,8% en 2023, après deux années consécutives de baisse qui laissaient craindre que cette protection pourrait ne plus correspondre aux attentes du secteur de la créativité. Pour autant, les chiffres communiqués par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) en début d’année font état d’un regain avec 5 511 dépôts (après 5 363 en 2022 et 5 853 en 2021) (1).
Certains acteurs du luxe se tournent régulièrement vers ce mode de protection. A titre d’illustration, un nombre considérable de dessins et modèles ont été déposés depuis moins de deux ans par Hermès (206), Cartier (106), Louis Vuitton (96) ou encore Rolex (40), qui se sont montrés particulièrement actifs (2). Il peut sembler en effet contre-intuitif de déposer des dessins ou modèles de sa création, au risque de la dévoiler au public alors que sa commercialisation n’est pas concomitante. Néanmoins, il est possible de déposer un dessin ou modèle avec un ajournement de la publication permettant à la fois de conserver le secret et de respecter les contraintes liées à la divulgation (v. ci-après).
A côté des dessins et modèles, le droit d’auteur est un mode de protection particulièrement fort en droit français. Ces deux outils permettent de protéger une création et peuvent se cumuler conformément au principe de l’unité de l’art.
Parfois méconnues ou confondues, ces deux armes juridiques inhérentes à la création, qui peuvent coexister, diffèrent toutefois avec leurs régimes qui ont chacun des avantages qu’il convient de manier avec précaution.
Critères d’application, durée de la protection : des régimes distincts entre les dessins et modèles et le droit d’auteur
Un dessin ou modèle requiert un dépôt auprès d’un office (en France il s’agit de l’INPI).
Pour être éligible à l’enregistrement, le dessin ou le modèle doit réunir les conditions suivantes :
- être nouveau, c’est-à-dire qu’aucun dessin ou modèle identique ou quasi identique n’a été divulgué au public avant la date de protection accordée par le dépôt (3), ce qui suppose d’avoir effectué une recherche d’antériorités pour s’en assurer en amont ;
- posséder un caractère propre qui sera établi lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué antérieurement.
La durée de protection d’un dessin ou modèle est de 5 ans renouvelable 4 fois, soit une durée totale de 25 ans.
La protection conférée par l’enregistrement d’un dessin ou modèle permet à son titulaire d’interdire l’exploitation d’un produit incorporant ce dessin ou modèle (4) étant précisé que l’article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) ajoute que « La protection conférée par l’enregistrement d’un dessin ou modèle s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente », sauf certaines exceptions mentionnées par le CPI tels que des actes accomplis à des fins privées, expérimentales d’illustration ou d’enseignement.
Un dessin ou modèle enregistré peut être étendu à d’autres territoires que celui de l’office au sein duquel il a été enregistré.
Lors du dépôt, il est également possible de demander un ajournement de la publication permettant de garder secret le dépôt et de conserver l’effet de surprise.
Photo à la Une : Peter Saville pour Burberry, 2020 © Burberry