Dans l’univers du luxe, le parfum incarne bien plus qu’une simple fragrance : il est l’expression d’une identité, d’un savoir-faire et d’une créativité uniques. Pourtant, protéger juridiquement un parfum demeure un défi, tant ses composantes (odeur, formule, packaging, nom) relèvent de régimes juridiques distincts. Cet article explore les différentes voies de protection disponibles pour sécuriser les créations olfactives.
Protéger l’odeur d’un parfum
La fragrance est l’essence même du parfum, mais paradoxalement, elle demeure la composante la plus difficile à protéger juridiquement. Contrairement à d’autres éléments tangibles ou visuellement perceptibles, l’odeur ne se laisse pas aisément appréhender par les catégories classiques de la propriété intellectuelle.
Droit d’auteur : une protection exclue pour la fragrance
L’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que sont protégées par le droit d’auteur « les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». Cette disposition ouvre la voie à une protection potentiellement étendue, incluant des créations immatérielles, sans condition de dépôt préalable.
Ainsi, le droit d’auteur tel que défini par la loi n’exclut pas les formes d’expression non visuelles ou non matérielles. Mais en pratique, la jurisprudence française adopte une lecture plus restrictive, notamment à l’égard des créations olfactives.
Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation, a jugé que « la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit » (Cass. com., 10 déc. 2013, n° 11-19.872). Cette position s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante, fondée sur l’idée que la fragrance, en tant que sensation olfactive, ne présente pas une forme identifiable et communicable avec une précision suffisante, condition essentielle à l’octroi de droits d’auteur.
Cette exigence a d’ailleurs été consacrée à l’échelle européenne dans l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), 13 novembre 2018, aff. C-310/17, Levola Hengelo BV c/ Smilde Foods BV, à propos de la saveur d’un fromage. La CJUE y a affirmé qu’une œuvre protégée par le droit d’auteur doit être une création intellectuelle originale exprimée d’une manière objective, précise et suffisamment identifiable, excluant ainsi les sensations purement subjectives comme le goût, faute de pouvoir faire l’objet d’une expression permettant une identification claire et stable de l’objet protégé.
Marques olfactives : une reconnaissance théorique
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