Laure-Isabelle Mellerio: «Que l’on puisse opposer luxe et développement durable me dérange»

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PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE DOMERGUE

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Créé en 1613 par des immigrés italiens, Mellerio est un joaillier français, le plus ancien au monde et le seul toujours indépendant avec un capital 100% familial. Parmi ses clients célèbres figurent Marie-Antoinette, les impératrices Joséphine et Eugénie et la comtesse de Ségur. Si Mellerio conserve une clientèle traditionnelle issue de la bourgeoisie française, 40% de son chiffre d’affaire provient désormais de clients étrangers, notamment japonais. La directrice artistique Laure-Isabelle Mellerio nous a fait le plaisir de nous accorder une interview exclusive sur la tradition d’excellence de la maison dont la production est réalisée en interne, dans les ateliers de la rue de la Paix par une dizaine de salariés.

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Quelle sont les valeurs fondamentales qui ont servi la longévité de la maison Mellerio, aujourd’hui représentée par Laurent Mellerio, Président Directeur Général, cadet de la quatorzième génération ?

Le secret de la longévité de Mellerio ? C’est la conscience de la fragilité. Toutes les entreprises du luxe, en tous cas celles qui ont le sens de la qualité qui pour moi rime avec éthique, savent que la relation de confiance fondamentale dans nos métiers, s’établit sur cette base et dans la durée. Nos valeurs éthiques impliquent intégrité, respect mutuel et bon sens citoyen, dans les relations avec les fournisseurs comme avec les clients. Donc que l’on puisse opposer luxe et développement durable me dérange.

Chez Mellerio, nous sommes attentifs à conserver un modèle économique nous permettant de perpétuer l’excellence, plutôt que de viser du volume obtenu grâce à l’industrialisation. C’est pourquoi nous restons un métier d’art. En conséquence, notre volonté est de demeurer une entreprise familiale indépendante. Tel est notre objectif. Nous n’ambitionnons pas d’ouvrir des magasins à foison, remplis de produits dits ‘d’access’, qui ne relèvent plus de la création à mon sens, ni du sur-mesure, et dénaturent la notion de luxe que nous souhaitons perpétuer.

Certaines maisons renouvellent effectivement très fréquemment leurs collections. Combien proposez-vous de collections par an chez Mellerio ?

Habituellement, nous proposons deux collections par an : la collection joaillerie en janvier et la collection haute joaillerie en juillet. Mais cela peut tout à fait changer en fonction de notre inspiration et du temps que peuvent parfois nécessiter certaines créations. Contrairement à de nombreuses maisons, chez Mellerio, c’est la création qui dirige le marketing, pas l’inverse !

Quelle vision avez-vous de la création chez Mellerio ?

Nous avons une vision à long terme de la création. Et surtout, pour nous, la création ne doit pas être bridée par des effets de mode. C’est cette liberté qui assure sa pérennité. C’est pour cela que chez Mellerio, c’est la création qui prime sur le marketing même si bien entendu, nous entendons les avis de notre service marketing. Il peut nous arriver d’apporter des modifications à certaines pièces selon leurs observations, comme le changement d’une pierre, par exemple. Mais ce n’est pas ce qui détermine nos choix artistiques.

D’ailleurs, comme nous sommes une maison familiale et une petite entreprise, les décisions sont prises en commun, de façon collégiale. Nous avons des réunions hebdomadaires durant lesquelles nous échangeons, tous ensemble. Cela nous permet d’avancer plus rapidement dans nos processus de production.

Quels sont les savoir-faire de la maison Mellerio qui lui permettent de se différencier des autres maisons de joaillerie ?

Nous maîtrisons certaines techniques qui ont effectivement fait la réputation de notre maison et permis de fidéliser notre clientèle, même si aujourd’hui d’autres sont tout à fait en mesure de les reproduire. Bien sûr, il y a la taille Mellerio, créée en 2005, avec l’aide d’un de nos diamantaires. Cette forme ovoïde est devenue un classique dans les codes de la maison et nous avons même déposé un brevet pour celle-ci. Nous la retrouvons dans beaucoup de nos collections et dans nos montres également.

Nos bijoux transformables nous différencient aussi des autres maisons. Leur complexité requière des savoir-faire exceptionnels. Nous passons énormément de temps à développer nos techniques, à les améliorer. Mais surtout, la maison a son propre ADN et nous avons toujours réussi à préserver notre ligne de conduite, notre style.

Mellerio étant la plus ancienne maison de joaillerie au monde, que pensez-vous des nouvelles technologies ?

Est-ce qu’il vous arrive de vous en servir ?

Nous sommes curieux alors, bien sûr, nous nous intéressons à tout ce qui se fait sur le marché ! Et plus particulièrement aux nouvelles technologies développées dans le secteur de la joaillerie. C’est essentiel pour avancer aujourd’hui. La joaillerie est un univers rigoureux et très précis. Nous sommes toujours en train de perfectionner nos techniques pour améliorer notre production, pour réaliser des bijoux plus fins, plus légers, plus souples. Nous nous renouvelons sans cesse tout en demeurant fidèles à l’image de la maison. Toutefois, pour nous, la main de l’homme est irremplaçable. C’est ce qui permet de rendre un bijou unique. Et pourtant certains métiers d’arts sont voués à disparaître, nous en prenons de plus en plus conscience chaque jour. Par exemple, notre graveur sur pierre dure a 70 ans et n’a pas de successeur ni de repreneur. Et beaucoup d’artisans se retrouvent aujourd’hui dans cette situation. C’est le genre de difficultés auxquelles nous pouvons être confrontés. Alors, bien sûr, nous pourrions être amenés à utiliser des imprimantes 3D, par exemple, mais en complément de l’homme ! Pas en remplacement.

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