Avec un succès qui ne se dément pas, le Salon GemGenève s’est déroulé pour sa 8ème session du 9 au 12 mai derniers, attirant 3 566 visiteurs. Le Salon est connu et apprécié pour sa dimension à taille humaine et sa gestion familiale typiquement suisse, fondée sur des valeurs de sérieux et de confiance, sans exclure un côté chaleureux.
Dédié aux gemmes et à la joaillerie, GemGenève vient de tourner encore une jolie page en mai 2024 : 244 exposants (provenant de 22 pays), contre 147 lors de son lancement en 2018, des conférences- débats avec des experts, une exposition consacrée à l’opale (Flames of OPAL Essence), des ateliers des métiers d’art, un espace librairie, un Village des Designers présentant dix jeunes pousses hyperdouées de la joaillerie et la haute joaillerie.
Les fondateurs du Salon, Thomas Faerber et Ronny Totah, peuvent se flatter d’avoir un taux de renouvellement exceptionnel (10 nouveaux exposants seulement admis cette année). Une fidélité dont peu de Salons pourraient se vanter.
LUXUS PLUS a rencontré Nadège Totah, la fille de Ronny Totah, co-organisatrice du salon et curatrice du Village des Designers qui accueille chaque année quelques pépites de la création joaillière.
Nadège Totah, membre du Conseil d’Administration, est née dans le domaine de la joaillerie. Elle fait partie de la 3ème génération de marchands et travaille depuis plus d’une dizaine d’années aux côtés de son père Ronny Totah, co-fondateur de GemGenève. Parce qu’elle participe régulièrement à de nombreux Salons internationaux de pierres et de joaillerie en qualité d’exposante, elle a développé une vue à 360 ° des besoins de ces derniers. Son sens inné du contact et sa grande capacité d’écoute lui permettent d’entretenir un contact privilégié avec les exposants de GemGenève. Et ils le lui rendent bien !
LUXUS PLUS : Vous êtes responsable de l’organisation du Village des Designers qui a sélectionné cette année dix pépites, dix créateurs de joaillerie et haute joaillerie. Comment voyez-vous l’avenir du Village ?
Nadège Totah : J’espère que ce Village des Designers prendra de l’importance parce qu’il apporte de la fraîcheur et de la nouveauté et complète bien le profil de nos exposants qui sont plutôt des négociants et des fabricants. Cela crée aussi des vocations pour les étudiants qui visitent le Salon. Mais je dois être attentive à rester sélective. Refuser un nouveau designer n’est pas une chose facile quand on fait ce métier avec cœur et passion. Mais c’est indispensable pour maintenir la qualité de notre Salon.
L+ : Vous aimez les bijoux qui ont une histoire…
NT : Oui et surtout des personnalités, je tombe amoureuses des personnalités. Elles se reflètent, ou pas d’ailleurs, dans leurs bijoux. Par exemple, j’ai eu une vraie surprise avec Shavarsh Hakobian, un créateur très discret, peu bavard mais dont toute la personnalité – secrète – ressort dans ses bijoux, incroyablement originaux. Il fait partie de ces designers qui arrivent le premier jour en se demandant ce qu’ils font ici, ils ont l’impression d’être des « imposteurs », de ne pas être au niveau. Finalement, une fois devant le public, ils parlent d’eux, de leurs pièces et ils prennent confiance. Shavarsh Hakobian a exposé l’an dernier déjà et pour la deuxième année, il a tenu à créer une collection de toutes pièces exclusivement pour le salon. Il s’est surpassé et je trouve que c’est une belle victoire.
L+ : Vous avez choisi plusieurs créateurs d’origine chinoise. Que pensez-vous de leur créativité, tout à fait exceptionnelle par rapport à ce que l’on peut voir ailleurs ?
NT : Je partage tout à fait ce point de vue. Je pense qu’il y a en Chine énormément de talents, souvent des autodidactes mais que la langue est un véritable barrage pour eux. Aso Leon par exemple, l’un de nos exposants cette année, a travaillé pour de grandes Maisons mais il avait du mal à s’exprimer dans une langue étrangère et n’avait jamais voyagé. Il nous a été recommandé par Wallis Hong, un ancien designer de notre Salon. Les créateurs asiatiques s’exportent peu donc on ne voit pas leurs pièces très souvent. Or, ils ont un savoir-faire exceptionnel, qui mérite d’être découvert. J’ai eu un véritable coup de cœur pour leurs créations mais je n’ai pas réfléchi en termes de nationalité, le fait qu’ils soient chinois est presque un hasard.
L+ : Vous dites vouloir intégrer des designers issus des pays dont viennent les pierres, comme l’Afrique par exemple. Pouvez-vous parler de vos projets ?
NT : J’ai repéré sur Instagram un ou deux designers qui fabriquent des bijoux ethniques de très bon niveau. Mais leurs collections ne sont pas toujours prêtes. Leurs bijoux sont actuellement en argent, j’aimerais qu’ils réalisent des collections en or, cela fait partie des critères de sélection sur notre salon. Je suis ouverte à tous les projets. Plus les créateurs me contactent, plus les nouveaux projets m’arrivent et plus je suis enthousiaste. Au début, ils sont toujours flattés quand je les approche pour participer au salon mais ensuite, ils ont une forme d’humilité, ils sont impressionnés par GemGenève et n’osent pas toujours accepter. Je les laisse venir à moi. Il n’est pas toujours simple d’aller les solliciter mais il y a de plus en plus de demandes, ce qui est très motivant pour moi.
L+ : Voyez-vous émerger des créateurs indiens avec des bijoux pouvant s’adresser à une clientèle internationale ?
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Photo à la Une : © David Fraga