ben wicks fbpQih OU2s unsplash

Coup d’envoi pour les nouveaux droits de douane américains

Le Day D est arrivé le 7 août pour les nouveaux droits de douane américains, majorés de 10 à 55% pour de nombreuses importations en provenance d’une soixantaine de pays. Le secteur du luxe est préoccupé par la nouvelle donne.

 

Il n’y a pas eu de miracle.

 

Comme prévu, sont entrées en vigueur, à 00h01 heure de Washington (4 h 01 GMT), jeudi 7 août, les nouveaux droits de douane américains,  allant de 10 à 55%, sur un nombre important d’importations en provenance de 69 pays. Elles remplacent les taxes de 10 % déjà mises en place en avril sur la grande majorité des produits de ces Etats.

 

« Il est minuit !!! Des milliards de dollars de droits de douane affluent maintenant vers les Etats-Unis d’Amérique », s’est réjoui sur son réseau Truth Social Donald Trump, qui avait signé le décret sur ces surtaxes le 1er août dernier.

 

Inquiétudes

 

Mais si le Président américain se frotte les mains, ce n’est pas le cas, évidemment, de ses partenaires commerciaux et de secteurs comme le luxe, pour qui les Etats-Unis constituent un marché majeur.

 

Tandis que beaucoup d’économistes s’attendent à ce que ces mesures pèsent aux Etats-Unis sur l’inflation, déjà en hausse en juin à 2,6 %, et sur la croissance, susceptible de ralentir à maximum 1 % en rythme annualisé au second semestre.

 

Si de nombreuses incertitudes continuent de planer sur certains secteurs, comme celui des vins et spiritueux, une chose est certaine. Les Etats-Unis ont troqué une économie libérale et libre-échangiste contre un modèle protectionniste. Les taxes douanières sur ses importations de biens sont passées en moyenne de 2% en début d’année à aujourd’hui 17,3 %, selon les calculs de l’université Yale.

 

La majorité des 69 pays visés par le décret de Donald Trump, dont ceux de l’Union européenne (UE), devra s’acquitter de taxes de 15 % pour de nombreux produits.

 

Des notes salées

 

Mais d’autres devront payer des notes beaucoup plus salées pour un pourcentage plus ou moins étendu de leurs exportations. La plupart des Etats d’Asie du Sud-Est paieront ainsi entre 19 % et 20 % de droits de douane; la Chine, l’Afrique du Sud l’Algérie, la Bosnie-Herzégovine et la Libye, 30 %, le Canada, l’Irak et la Serbie, 35 %….Un voisin des Etats-Unis, le Mexique, retient son souffle : Donald Trump a prolongé de 90 jours la taxe de 25 % sur ses produits entrant aux États-Unis en dehors de l’accord de libre-échange nord-américain.

 

Au Canada, le Premier ministre, Mark Carney, a toutefois calculé que plus de 85 % de ses exportations canadiennes vers l’Oncle Sam étaient exclues du périmètre.

 

Mais pour certains pays, en l’occurrence le Brésil et l’Inde, le taux prohibitif imposé (50%) a un arrière-plan punitif sur le plan géopolitique.

 

Le Brésil et l’Inde durement frappés

 

Le Brésil paie pour ses poursuites contre son ancien Président allié de Donald Trump, Jair Bolsonaro, qui avait tenté un coup de force après sa défaite à l’élection présidentielle de 2022 l’opposant à Lula.

 

Et le 5 août, le Président américain a annoncé qu’il doublait à 50% au lieu de 25% les droits de douane sur les produits importés d’Inde. Un avertissement clair à ce pays qui apporte son soutien économique à la Russie belligérante, et qui “n’achète pas seulement d’énormes quantités de pétrole russe” mais en “revend ensuite une grande partie sur le marché pour réaliser d’importants profits” s’est indigné Donald Trump.

 

On peut s’étonner de l’absence des Russie et Biélorussie, Corée du Nord et Cuba dans la liste des pays touchés par les nouvelles taxes. Mais en avril dernier, la Maison-Blanche avait déjà fait savoir que ces derniers étaient touchés par “des sanctions excluant tout commerce significatif”…

 

Seulement sept pré-accords

 

Alors que le gouvernement américain avait annoncé que des dizaines d’accords seraient signés avant la mise en œuvre de ces nouvelles taxes, seulement sept pré-accords, avant d’être formalisés, ont finalement été conclus, notamment avec l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Corée du Sud, le Japon ou le Vietnam, en échange de promesses d’investissements massifs aux États-Unis.

 

Certains pays ont essayé de négocier jusqu’à la dernière minute. Cela a été le cas de la Suisse, qui a envoyé à Washington sa présidente, Karin Keller-Sutter, et son ministre de l’Économie, Guy Parmelin. En vain puisque Donald Trump a finalement décidé de taxer au taux sévère de 39% les importations helvétiques, avant probablement une nouvelle majoration à venir sur les produits pharmaceutiques.

 

Cette décision a de quoi impacter sérieusement l’économie de la Suisse, dont 18,6% des exportations sont captées par Oncle Sam. Parmi celles-ci, outre les produits pharmaceutiques, figurent notamment des machines industrielles, des spécialités gastronomiques comme le fromage ou le chocolat mais aussi les montres.

 

En 2024, les Etats-Unis ont ainsi constitué le premier marché à l’export des garde-temps helvètes, à 4,3 milliards de francs suisses, soit 17% de ses exportations totales, loin devant la Chine (8%).

 

Incertitudes pour les vins et spiritueux

 

L’accord, fin juillet, entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission européenne, a permis de “limiter” les droits de douane des importations de l’UE à 15% au lieu des 30% dont elle était menacée. En échange, le Président américain a obtenu que les européens investissent 600 milliards de dollars aux Etats-Unis, qu’ils achètent des équipements militaires américains et 750 milliards de dollars d’énergie américaine, en particulier du gaz naturel liquéfié (GNL).

 

La plupart de ses exportations vers les Etats-Unis, y compris aujourd’hui dans l’automobile et pharmaceutique, sont concernées même si des incertitudes persistent pour certains secteurs, comme les vins et spiritueux, qui pourraient encore faire l’objet d’un accord à part.

 

En avril dernier, le Président américain avait déjà décidé de taxer à 10% la majorité des produits européens mais aussi de 50%, l’acier et l’aluminium, et de surtaxer de 25% les voitures et pièces détachées en plus du taux déjà existant de 2,5%.

 

Avec une taxe désormais abaissée à 15%, les automobiles et pièces détachées automobiles européennes sont les seules à bénéficier aujourd’hui d’un adoucissement de leur sort.

 

Coïncidant avec une période de résultats dans le luxe, les réactions ont déjà été nombreuses à la nouvelle donne.

 

Les acteurs du luxe impactés

 

Dans le secteur automobile haut-de-gamme, l’allemand Mercedes anticipe des ventes 2025 nettement inférieures à celles de l’an dernier. Il a révisé à la baisse sa marge opérationnelle, de la même manière que Porsche, qui anticipe désormais une marge comprise de seulement 5 à 7%, contre 10 et 12% en début d’année.

 

Nicolas Hieronimus, le PDG de L’Oréal, a, lui, annoncé compter se battre, au côté des autres acteurs européens de la beauté et des soins auprès des dirigeants et négociateurs européens, pour qu’ils protégent mieux leur industrie.

 

Tout en admettant qu’une telle majoration des droits de douane aux Etats-Unis, le « premier pays contributeur » de la croissance du groupe au premier semestre 2025, serait “ gérable », le Numéro Un mondial de la Beauté a quand même admis que l’impact sur la croissance du chiffre d’affaires serait de 0,35 à 0,40% en 2025.

 

Pour faire face, L’Oréal n’a pas exclu transférer davantage de production vers les Etats-Unis, où il possède déjà quatre usines, ou augmenter légèrement les prix.

 

Un quatrième atelier Louis Vuitton Outre-Atlantique

 

De son côté, Bernard Arnault, le PDG de LVMH, proche de Donald Trump dont il a assisté à l’investiture, a pour sa part indiqué fin juillet au Figaro que serait inauguré fin 2026, début 2027, un nouvel atelier pour sa marque phare, Louis Vuitton, aux Etats-Unis, qui viendra compléter les trois déjà existants.

 

Un scénario qu’a exclu en revanche son rival François-Henri Pinault, le PDG de Kering, confiant, en mai dernier, que “ça n’aurait pas de sens de fabriquer des sacs Gucci au Texas”.

 

LVMH a aussi indiqué qu’il pourrait compenser un taux de 15% en relevant ses prix.

 

Les Vins et Spiritueux très inquiets

 

Mais le Numéro un du luxe avait aussi admis que cela serait « plus compliqué” pour la division Vins et Spiritueux, n’étant pas en position de pouvoir augmenter les prix. Tandis que le cognac, certains vins et le champagne ne peuvent pas être produits aux Etats-Unis…

 

La filière européenne, et plus particulièrement française et italienne, des vins et spiritueux européens, reste d’autant plus mobilisée sur le sujet qu’une hausse des droits de douane serait aggravée par le recul du dollar américain, rendant encore plus prohibitif le prix de leurs bouteilles. Gabriel Picard, le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux français,  a alerté que cette double peine pourrait déboucher sur « une perte d’un milliard d’euros » pour les producteurs français.

 

Lire aussi > Droits de douane réciproques : les Etats-Unis et l’Union européenne s’entendent sur un taux de 15% tire

 

Photos à la Une : © Unsplash

Picture of Sophie Michentef
Sophie Michentef
Sophie Michentef a évolué plus de 30 ans dans la presse professionnelle. Pendant une quinzaine d’années, elle a encadré la rédaction France et international du Journal du Textile. Elle met désormais son expertise presse, textile, mode et luxe au service de journaux, organisations professionnelles et entreprises.

Inscription à notre Newsletter

Inscrivez-vous maintenant pour recevoir nos émissions et articles en avant-première !

Newletter Luxus Plus