Chanel est confrontée pour la première fois depuis cinq ans à la vacance de sa direction artistique. Ce trône vide nourrit les rumeurs les plus folles sur la toile comme dans ses coulisses. Revue de détails des prétendants les plus crédibles et disponibles pour accéder à ce joyau de la Haute Couture.
Gabrielle Chanel, Karl Lagerfeld, Virginie Viard…
Depuis la disparition subite de Karl Lagerfeld en 2019 et le départ impromptu la semaine dernière, de celle qui lui avait succédé, Virginie Viard, il est un poste à pourvoir à nul autre pareille, tant par son aura que par son exigence : celui de directeur artistique chez Chanel.
La tâche n’a rien d’évident tant en termes de rythme (8 collections par an, contre 17 sous Karl Lagerfeld) que de cohérence stylistique, car l’heureux élu aura a priori moins de latitude que le Kaiser pour inscrire sa personnalité au sein de cette prestigieuse lignée.
Si on en juge la relative brièveté de son passage (de février 2019 à juin 2024), Virginie Viard pourrait très bien avoir été choisie pour assurer la régence du pouvoir créatif post-Lagerfeld. Si tel est le cas, les attentes pesant sur la nouvelle recrue, en particulier sur le plan de la communication et du storytelling, pourraient être bien plus élevées qu’à l’égard de l’ancien bras droit du polymathe, basé Quai Voltaire.
Face à ce défi de l’omniscience créative imposée par la fonction, les prétendants à ce trône pourraient toutefois bénéficier du précédent qu’avait créé Karl Lagerfeld à son arrivée…Ils pourraient ainsi espérer un contrat mirifique s’inspirant de la “carte blanche” que le créateur allemand avait exigé en toute lettre en 1983 pour réveiller la marque assoupie au double C.
Nourrissant un attrait certain pour la flamboyance, avec un certain savoir-faire en matière de communication, Alessandro Michele a, comme le Kaiser, un goût prononcé pour le baroque. Son récent recrutement chez Valentino écarte toutefois d’office cette probabilité.
Hedi Slimane, le fils spirituel superstar
Parmi tous les noms, il en est un évident – (trop) peut-être – tant il est de toutes les rumeurs dans cette affaire de succession créative : Hedi Slimane. Le couturier-photographe-styliste était connu pour être un ami proche de Karl Lagerfeld. Commentant son arrivée chez Celine, ce dernier avait déclaré “C’est un véritable ami, pas un vague lien. Il m’a manqué. Il est brillant ». Karl Lagerfeld n’avait pas caché son admiration pour le travail d’Hedi Slimane chez Dior Homme et Saint Laurent. La légende raconte que si le Kaiser avait décidé de suivre un régime des plus draconiens et perdre 40 kilos en 14 mois, c’était pour rentrer dans les costumes ultra cintrés signés Hedi Slimane.
Karl Lagerfeld n’avait pas été le seul à adouber Hedi Slimane. Christian Lacroix, chez qui Hedi Slimane avait travaillé pendant un an, avait déjà déclaré en 2016 au Daily Front Row “Si c’est possible, j’aimerai le voir chez Dior ou chez Chanel”. Et d’ajouter “je sais qu’il était proche de Karl et Karl est suffisamment intelligent pour dire un jour si Hedi pourrait être le seul à pouvoir prendre la suite de son travail. Je ne sais pas mais pour moi, il mérite de telles Maisons.”
Chez Saint Laurent (2012-2016), Hedi Slimane a su moderniser les codes et la silhouette de la Maison à grand coup d’attitude rock, festive avec – sa marque de fabrique – une esthétique “ambisexuelle” faite de jeans slim et de vestes étroites. Son coup d’éclat avait permis à la Maison de voir son chiffre d’affaires grimper pour atteindre 974 millions d’euros en 2015.
Arrivé chez Celine, le génie marketing à la dégaine de rockeur s’était attiré les foudres des philophiles suite au départ de leur muse Phoebe Philo, qui avait su restaurer la crédibilité mode de la Maison et avec laquelle il avait travaillé dix ans durant. Malgré la forte contribution de sa prédécesseuse à la valorisation de la marque à hauteur de 800 millions de dollars, il avait choisi de faire table rase de ses communications sur Instagram tandis qu’il avait revu l’identité visuelle et le logo de la Maison parisienne. Telle une rockstar absolue, Hedi Slimane avait souhaité procéder – sans succès – comme chez Saint Laurent, à savoir déménager les studios créatifs sur son fief de Los Angeles. Résident californien, Hedi Slimane est en effet géographiquement proche de Hollywood, un sérieux atout pour Chanel qui ne rate pas une occasion pour soutenir le septième art (prêts de costumes issus de ses archives, sponsoring, engagements para-publicitaires). Ses palettes de couleurs privilégiant le noir offriraient une belle cohérence chez Chanel. Face aux polémiques suscitées par l’esthétique déjà-vue de son premier défilé pour Celine “Journal nocturne de la jeunesse parisienne”, Hedi Slimane avait déclaré “J’ai trouvé mon style, à moins que ce ne soit l’inverse. Il y a plus de 20 ans. Mon style passe par une ligne, un trait, une allure et une silhouette que je poursuis obsessionnellement depuis et qui définit qui je suis.” Le designer a ainsi appliqué la même formule rock et youth culture pour rapprocher Celine du statut de locomotive comme Louis Vuitton.
Hasard du calendrier ou rendez-vous avec le destin, le mandat d’Hedi Slimane chez Celine, débuté en janvier 2018, est arrivé à échéance. Propriétaire de la Maison de prêt-à-porter de luxe et accessoires, LVMH pourrait toutefois être tenté de sanctuariser sa tête d’affiche comme elle l’a fait avec Nicolas Ghesquière, prolongeant son contrat chez Louis Vuitton pour cinq années supplémentaires. Pour le média d’investigation Glitz, la dimension contraignante de son contrat, ne portant pas que sur le produit mais également sur l’image de la Maison compliquerait toutefois son éventuel transfert.
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Photo à la Une : Montage © Valois Vintage Paris