[CHRONIQUE] Chanel N°5 et le droit des marques : un « High Five » refusé à Chanel par la division d’opposition de l’EUIPO

Coup de théâtre dans le milieu du luxe : la division d’opposition de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a récemment rejeté l’action en opposition de Chanel à l’encontre d’une demande de marque européenne comportant le chiffre « 5 » pour protéger des produits cosmétiques. Comment ? Pourquoi ? Décryptage.

 

Les rapports parfois compliqués entre la propriété intellectuelle et l’univers des parfums ont encore de beaux jours devant eux*. Chanel, qui a récemment obtenu l’enregistrement de deux dessins et modèles internationaux protégeant le nouveau flacon en édition limitée de son parfum N° 5, a fait opposition à la demande de marque figurative de l’Union européenne 5 n°18 872 562 déposée par une société slovène pour couvrir des produits cosmétiques (notamment des crèmes et lotions parfumées). Par une décision en date du 17 juin 2024, l’EUIPO l’a déboutée de son action en considérant que les marques antérieures invoquées par Chanel ont un caractère distinctif normal et en écartant tout risque de confusion avec la demande de marque contestée.

 

Si la conclusion tirée par l’EUIPO nous semble contestable, le dossier d’opposition déposé par Chanel suscite quant à lui autant d’interrogations qu’il apporte d’enseignements, lesquels seront ainsi abordés dans la présente chronique.

 

Les interrogations et enseignements tirés de la reconnaissance par l’EUIPO d’une distinctivité normale aux marques antérieures de Chanel

 



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*Une précédente chronique, publiée le 4 décembre 2023, présentait déjà L’univers du parfum à l’épreuve du droit de la propriété intellectuelle.

** EUIPO, 2e chambre des recours., 22 juillet 2020, n°R2688/2019-2 confirmant la décision de la division d’opposition du 30 septembre 2019. A noter toutefois que la chambre des recours a débouté la société CHANEL de son recours à l’encontre de produits visant les lampes malgré la renommée caractérisée de ses marques antérieures pour les produits de parfum.

*** L’EUIPO avait déclaré que les « éléments de preuve démontrent le succès réalisé par la marque « N° 5 » pour des parfums au cours des dernières décennies par une sélection d’annonces publicitaires et d’articles de presse fournissant des informations sur les produits de l’opposante. […] L’opposante a produit une quantité considérable de communiqués de presse de différents magazines et journaux français qui font référence en permanence au parfum « N° 5 » «mythe», «indéterminé» ou «légende» au fil des ans. La marque antérieure a fait l’objet d’un usage intensif et de longue durée et est généralement connue sur le marché pertinent, où elle jouit d’une position consolidée parmi les marques dominantes, comme différentes sources indépendantes l’attestent. ». (EUIPO, 2e chambre des recours., 22 juillet 2020, n°R2688/2019-2 confirmant la décision de la division d’opposition du 30 septembre 2019).

**** Cela est d’autant plus important lorsque l’opposant revendique une distinctivité élevée voire la renommée d’une marque antérieure. Nous avions d’ailleurs consacré une précédente chronique au sujet de la marque de renommée intitulée « La marque de renommée : une arme redoutable mais difficile à manier ».

***** Dans sa décision, l’Office indique qu’un « extrait Wikipédia manque de certitude en tant que source d’information, puisqu’il est tiré d’une encyclopédie collective établie sur l’internet, dont le contenu peut être modifié à tout moment et, dans certains cas, par tout visiteur, même anonyme ». En outre, en ce qui concerne le matériel publicitaire, l’EUIPO précise qu’une brochure jointe par Chanel est rédigée en anglais et que le style commun des annotations en français sur des photographies versées démontre qu’elles ont été ajoutées a posteriori de sorte qu’elles ne peuvent servir de preuve de la distribution du matériel promotionnel en France.

© ALERION (avocat)

 

Lire aussi> [CHRONIQUE] L’UNIVERS DU PARFUM À L’ÉPREUVE DU DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Photo à la Une : © Chanel

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Corinne Thiérache

Avocat au Barreau de Paris depuis 1994, Corinne Thiérache est associée au sein du cabinet Alerion et assume la responsabilité des départements Droit des technologies et du Numérique / Propriété intellectuelle. Cette experte accompagne depuis 30 ans ses clients tant au niveau du conseil que du contentieux.

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Adrien Bansard

Inscrit au Barreau de Paris depuis février 2019, Adrien Bansard est avocat collaborateur au sein du cabinet Alerion. Il intervient en Droit de la propriété intellectuelle et Droit des technologies et du numérique, tant en conseil qu’en contentieux, pour le compte d’une clientèle française et étrangère.

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