Xavier de Roquemaurel, PDG de Czapek & Cie, a raconté à Luxus Plus l’intégration de la Maison dans le marché de l’horlogerie indépendante. À la base, la marque a puisé son inspiration dans les créations de François Czapek, un horloger d’origine polonaise exilé en Suisse, bénéficiant d’une grande renommée au XIXe siècle, ayant été notamment le fournisseur officiel du prince Napoléon III et de la cour impériale française. À travers un parcours marqué par la passion et l’innovation, Czapek a su s’imposer en redonnant vie à la Haute Horlogerie artisanale et en respectant l’héritage de son fondateur. Un mariage élégant entre tradition et modernité, tout en restant fidèle à son indépendance.
François Czapek, horloger d’origine polonaise du XIXe siècle, s’est exilé en Suisse après l’insurrection de 1830 à Varsovie, pour fonder sa première entreprise, Czapek & Moreau, en 1833. En 1839, avec Antoine Norbert de Patek, il crée Patek, Czapek & Cie, produisant des garde-temps remarquables pendant six ans. Après la dissolution de leur société en 1845, Czapek fonde sa manufacture, Czapek & Cie, devenant un horloger renommé, grâce à son savoir-faire et son statut de fournisseur officiel de Napoléon III et sa cour. Disparu mystérieusement en 1871, Czapek laisse derrière lui un héritage horloger durable. En 2012, le nom de Czapek est ressuscité lorsque Xavier de Roquemaurel et ses associés relancent la marque.
Xavier de Roquemaurel, vous êtes PDG de la Maison horlogère Czapek. Comment avez-vous intégré ce marché de l’horlogerie indépendante ?
Si on crée une chronologie, on remarque que l’horlogerie est divisée en plusieurs grandes phases. Celles dont notre génération se souvient sont celles qui s’arrêtent avec la mort de l’horlogerie mécanique dans les années 70. Tout d’un coup, c’est l’arrivée du quartz, inventé par les Suisses et repris par les Japonais. L’horlogerie était à deux doigts de mourir. Dans les années 80, l’horlogerie suisse renaît : de grands groupes se créent, se structurent.
Mais la période décisive pour l’horlogerie indépendante est les années 2000, avec l’arrivée de grands noms : Felix Baumgartner pour Urwerk, Maximilian Büsser pour MB&F et Richard Mille pour Richard Mille. Ce dernier deviendra le quatrième grand indépendant avec Patek Philippe, Rolex et Audemars Piguet.
Dans les années 2010, apparaît un autre groupe d’indépendants, impactés par ces grands noms de l’horlogerie indépendante. Ils veulent partager leur passion pour cette Haute Horlogerie, faite avec les mains, artisanale, avec un goût de la rareté et des origines de l’horlogerie. Et on va ainsi redécouvrir Czapek au milieu de ses confrères…
Ces marques sont à un prix plus accessible pour faire partager leur amour de l’horlogerie à un plus grand nombre. Elles viennent aussi compléter une offre qui était un peu lassante, celle des grands groupes.
Czapek est donc arrivée avec la vague des horlogers indépendants de 2010 ?
La marque Czapek est repartie de rien : au début, nous n’avions que 15 000 francs suisses (soit 15 000 dollars de l’époque) sur le compte. Pour lancer la marque, on voulait se tourner vers des gens comme nous, c’est-à-dire passionnés, et non vers un riche milliardaire peu intéressé par l’horlogerie. Cela s’est donc matérialisé par le financement participatif (crowdfunding equity), où l’on propose des actions aux intéressés. Comme le dit l’expression en anglais « It takes a village to accomplish something extraordinary », ce qu’on pourrait traduire en français par l’union fait la force. Nous avions ainsi trouvé notre voie d’indépendance.
Partis de trois personnes, nous nous sommes retrouvés à 25 puis nous avons mené cette campagne de financement participatif avec les premiers prototypes financés par le premier tour de table. Beaucoup plus nombreux, nous avons réalisé plusieurs levées de fonds entre 2016 et 2019 pour lever 5 millions de francs suisses (5,5 millions de dollars) au total. C’était suffisant pour financer la croissance de l’entreprise. Aujourd’hui, elle regroupe 222 actionnaires.
Quels sont les critères qui définissent la personnalité de Czapek ?
Le premier élément était d’être indépendant, nous souhaitions nous adresser aux amoureux des montres.
Le deuxième élément était d’être fidèle à l’horloger polonais François Czapek, qui a exerçé au XIXe siècle. Nous nous inspirons de lui, nous nous plongeons dans les montres qu’il créait et la façon dont il les fabriquait, pour respecter son style et sa personnalité. Czapek ne faisait pas les montres les plus compliquées et prestigieuses mais des montres personnalisées et sur commande que les propriétaires chérissaient. C’étaient de belles montres, simples, avec une esthétique qui correspondaient à l’ère du temps mais qui étaient plus poussées. Le style Czapek, c’est une recherche du beau par l’horlogerie, comme un peintre le ferait avec son art.
Le troisième élément a été de passer de pièces simples, très puristes, à des pièces beaucoup plus compliquées. Après avoir construit la marque entre 2015 et 2020 et à force d’être proche des collectionneurs, nous avons compris ce qu’il manquait sur le marché.
Avec la collection Antarctique, lancée en 2020, êtes-vous partis sur quelque chose de nouveau ?
Étant indépendants, nous avions la liberté de créer. Nous avons décidé de faire une montre bracelet intégrée, dans la lignée de ce qu’a créé le designer Gérald Genta dans les années 70 mais que peu avaient réussi à faire.
La montre Antarctique de Czapek a été révolutionnaire, avec un style à part, mais pas dans l’extravagant. Tout est dans la finesse, ce que l’œil voit mais que le cerveau ne comprend pas tout à fait. Nous avons adopté une approche « Haute Horlogerie » sur le mouvement que toute la communauté horlogère a adoré au premier coup d’œil. C’était la réponse à la question : peut-on avoir une montre sport dont le mouvement soit de pure beauté ?
Sur le marché, les autres mouvements étaient industrialisés, simplifiés. On avait oublié que ce qui fait rêver un collectionneur, c’est le côté manuel, le travail dans les détails. Nous avons été influencés par les créations de François Czapek sur ses montres de poche.
Cela a marqué la deuxième phase de la vie de l’entreprise, qui est devenue une référence dans la Haute Horlogerie indépendante grâce à ce mouvement créé de toute pièce.
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Photo à la Une : © Czapek, Xavier de Roquemaurel