[INTERVIEW] “La plupart des images par IA génératives n’atteignent jamais la boutique” – Eric Gehl (IMKI)

Si l’intelligence artificielle générative fait les gros titres, c’est essentiellement dans les univers de la création graphique et de la publicité, pourtant cette technologie peut également agir jusqu’au processus créatif des designers et façonniers. Fondée en octobre 2020, Imki a justement développé une IA spécialisée pour les professionnels de la mode et s’ouvre désormais au luxe. LUXUS PLUS a rencontré son directeur des opérations, Eric Gehl à l’occasion du Salon Reluxury.

 

Vivatech, Tech for Retail et maintenant Reluxury…

 

Imki était sans conteste l’acteur tricolore de la fashion tech omniprésent cette année dans les Salons professionnels. Si sa préparation à une prochaine levée de fonds n’est pas étrangère à cette hyper-présence, son usage de l’intelligence artificielle générative appliquée aux contraintes métier des professionnels de la mode y contribue fortement. 

 

L’entreprise strasbourgeoise a obtenu l’ »Innovation Awards Honoree » à l’édition 2024 du CES de Las Vegas dans la catégorie “Content & Entertainment”. A cette occasion, Imki a pu présenter une première collection capsule pour la marque française référence du segment modern contemporary fashion : The Kooples. Un vestiaire denim entièrement composé à partir d’une intelligence artificielle propriétaire et sécurisée. 

 

Venu de la réalité augmentée et disposant d’une trentaine d’années d’expérience dans la tech et le digital, son COO (Chief Operating Officer), Eric Gehl, nous en dit plus sur cette “intelligence artificielle créative augmentée”. 

 

LUXUS PLUS : Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la genèse de l’aventure Imki ? 

 

Tout est parti de Frédéric Rose. Un profil tech diplômé des Beaux-Arts. Autant dire une rareté. En tant que designer de métier, il a toujours utilisé les outils technologiques à sa disposition, à commencer par Indesign. Il y a 4 ans, il travaillait sur un projet lié à un espace culturel confronté à des contraintes particulières : le théâtre antique d’Orange. C’est là qu’il a saisi le véritable pouvoir de ces IA émergentes, soit bien avant la vague actuelle. Il a investi quelques millions d’euros dans la R&D afin de développer une plateforme d’IA en partant des problématiques métiers. D’entrée de jeu, Frédéric a insisté pour que l’IA soit une association de modèles et de data. Ayant lui-même expérimenté les modèles de fondation les plus répandus de type Mid Journey, DALL-E ou Stable Diffusion, il s’est vite rendu compte qu’ils ne fonctionnaient pas pour des verticales comme les Industries Créatives et Culturelles (ICC). 

 

LUXUS PLUS : Le théâtre d’Orange est a priori plutôt lié au patrimoine et à la culture, alors pourquoi la mode ? 

 

La mode a été le secteur des ICC le plus réactif, essentiellement pour répondre à des sujets économiques. Des entreprises comme The Kooples ont voulu développer ce que j’appelle des IA spécialisées, autrement dit spécifiques à un secteur d’activité. Venant d’un univers créatif, Frédéric Rose a compris que les IA requièrent bien plus qu’un simple modèle à l’américaine selon une logique du tout ou rien, avec bien souvent à la clé des biais culturels dans la base de données elle-même. 

 

Il a eu l’idée de dégraisser cela et de travailler en collaboration avec l’univers des logiciels. L’IA apparaît alors comme un outil nouant un lien entre le monde de la data et de la compétence métier, soit des modélistes, designers et stylistes. Imki fait constamment collaborer ces trois univers afin de développer une solution d’IA qui réponde aux contraintes de ce marché. 

 

LUXUS PLUS : The Kooples est justement à date l’un des cas d’usage les plus emblématiques de votre solution propulsée par l’IA appliquée au secteur de la mode. Pour quelle raison ? 

 

Les équipes de The Kooples avaient auparavant testé tous les Mid Journey, DALL-E et autres Chat GPT. Or, malgré les belles images générées, elles se sont rendues compte qu’elles étaient inexploitables en l’état. En effet, bien souvent, ces visuels ne respectent ni les codes de la marque, ni les attributs produits et encore moins les cahiers des charges techniques pour espérer les lancer en production. En d’autres termes, la plupart des images générées par de l’IA n’atteignent jamais la boutique : ce n’est pas opérationnalisable ni convertible en vraie collection ou produit. 

 

Pour cette collaboration avec The Kooples, nous avons, au contraire, directement consulté les directeurs de collection et réinventé des produits iconiques comme le sac Émilie. Pour y parvenir, la marque de mode nous a confié ses données, que nous avons raffinées afin de les écrémer de tout ce que nous ne voulions plus. Nous entraînons les IA et les modèles, pour qu’ils respectent et reconnaissent la marque et ses invariables stylistiques. Nous pouvons même y imprégner n’importe quelle tendance. Et tout cet entraînement d’une IA connaisseuse de la marque est réalisé en seulement quelques semaines. 

 

LUXUS PLUS : Quel est le bénéfice premier pour une marque de ce type et sur quoi repose votre business model ? 

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Lire aussi > [CHRONIQUE] Luxe & Beauté : l’impact de l’IA générative dans l’expérience client

Photo à la Une : © Imki

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Victor Gosselin
Victor Gosselin est journaliste spécialisé luxe, RH, tech, retail et consultant éditorial. Diplômé de l’EIML Paris, il évolue depuis 9 ans dans le luxe. Féru de mode, d’Asie, d’histoire et de long format, cet ex-Welcome To The Jungle et Time To Disrupt aime analyser l’info sous l’angle sociologique et culturel.
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