Dévoilées lors de la Fashion Week masculine printemps-été 2026 à Milan, les sandales en cuir de Prada ont suscité une vive indignation en Inde. La marque est accusée d’avoir copié le design des chaussures nommées Kolhapuri chappals, un soulier traditionnel et artisanal.
Retour en juin dernier. Alors que Milan vibre au rythme de la Fashion Week printemps-été 2026 dédiée à l’homme, Prada, l’un des noms les plus attendus des défilés italiens, a présenté une collection épurée, légère et délicatement colorée, comme un retour aux sources. Entre les micro-shorts, les vestes droites, les chapeaux en rotin, les pulls en tricot et les pantalons patte d’éléphant, la ligne comprenait des sandales marron en cuir qui ne sont pas passées inaperçues…
Les sandales de la discorde
Les directeurs artistiques Miuccia Prada et Raf Simons, accompagnés par le designer Paul Surridge qui vient muscler l’équipe stylistique de la division masculine, ont donc proposé des sandales en cuir plates caractérisées par une lanière sur le devant du pied et un entredoigt, tous deux reliés par une bride fine.
Classiques en apparence, ces chaussures ont suscité une vague d’indignation en Inde. En effet, les sandales élaborées par Prada ressemblent à s’y méprendre aux souliers Kolhapuri chappals, qui tirent leur nom de la ville de Kolhapur. Ces pièces traditionnelles fabriquées localement par environ 5 000 artisans de Kolhapur et vendues à peine 10 dollars sont très populaires dans le pays. Entièrement réalisées à la main sans clous ni colle industrielle et en cuir de buffle, les Kolhapuri chappals sont portés depuis des siècles par les indiens, de manière quotidienne ou à l’occasion d’événements.
En voyant le défilé Prada, les fabricants indiens de ces sandales ont manifesté leur colère, accusant la Maison d’appropriation culturelle et regrettant que la marque n’ait pas mentionné l’origine de ces chaussures. Le président de la chambre de commerce du Maharashtra [ndlr : un état en Inde où sont fabriquées les sandales] Lalit Gandhi a déclaré : “La collection comprend des modèles de chaussures qui ressemblent beaucoup aux sandales Kolhapuri, une sandale traditionnelle en cuir fabriquée à la main qui a reçu le statut d’“indication géographique”” par le gouvernement indien en 2019.
L’indignation sur les réseaux
Sur les réseaux, de nombreuses personnes ont elles aussi commenté les images du show. On peut ainsi lire sur Instagram “Copie du Maharashtra” ; “Apprenez à donner du crédit là où il est dû. Trop c’est trop ! Dites que vous vous êtes inspirés des humbles chappals indiens de Kohlapuri” ; “Donnez au moins des crédits à l’Inde” ; “Pas besoin de copier.. Ne mentez pas”.
Autant de critiques qui ont rapidement poussé Prada à publier un communiqué, reconnaissant les origines de ces sandales. “Nous reconnaissons que les sandales sont inspirées des chaussures traditionnelles indiennes fabriquées à la main, avec un héritage séculaire. Nous reconnaissons profondément l’importance culturelle de ce savoir-faire indien” a déclaré Lorenzo Bertelli, responsable de la responsabilité sociale des entreprises de la maison de couture italienne, dans une lettre adressée à la chambre de commerce du Maharashtra.
“C’est un moment de fierté pour nous tous. Nous avons désormais un public mondial” a indiqué Harshwardhan Patwardhan, fondateur de Chappers, une marque réputée pour ses chappals Kolhapuri, à Global Indian. “C’est le plus beau témoignage du travail intemporel de nos artisans depuis des siècles. Mais l’inspiration doit être accompagnée de respect : le simple mérite ne suffit pas ; la collaboration est essentielle à la réussite à long terme des deux”.
Outre la reconnaissance du design et de la tradition qui découlent de ces chaussures, les représentants de l’industrie ont ainsi appelé à réfléchir sur des collaborations avec les locaux ou des rémunérations, signe de respect envers la culture locale. D’autant plus qu’il serait dommageable pour les marques de luxe de se faire boycotter par les consommateurs indiens. D’après le récent rapport India: the next luxury hotspot? du cabinet Kearney, le marché indien des biens de luxe est en pleine évolution et pourrait atteindre 12 milliards de dollars d’ici 2028, contre 7,74 milliards en 2023.
Photo à la Une : © Prada